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DIMANCHE 5 MAI 2024

HOMELIE DE GILLES

PREMIÈRE LECTURE

Lecture du livre des Actes des Apôtres (Ac 10, 25-26.34-35.44-48)

Comme Pierre arrivait à Césarée
chez Corneille, centurion de l’armée romaine,
celui-ci vint à sa rencontre,
et, tombant à ses pieds, il se prosterna.
Mais Pierre le releva en disant : « Lève-toi.
Je ne suis qu’un homme, moi aussi. »
Alors Pierre prit la parole et dit :
« En vérité, je le comprends,
Dieu est impartial :
il accueille, quelle que soit la nation,
celui qui le craint
et dont les œuvres sont justes. »
Pierre parlait encore
quand l’Esprit Saint descendit
sur tous ceux qui écoutaient la Parole.
Les croyants qui accompagnaient Pierre,
et qui étaient juifs d’origine,
furent stupéfaits de voir que, même sur les nations,
le don de l’Esprit Saint avait été répandu.
En effet, on les entendait parler en langues
et chanter la grandeur de Dieu.
Pierre dit alors :
« Quelqu’un peut-il
refuser l’eau du baptême
à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint
tout comme nous ? »
Et il donna l’ordre de les baptiser au nom de Jésus Christ.
Alors ils lui demandèrent
de rester quelques jours avec eux.

DEUXIÈME LECTURE

Lecture de la première lettre de saint Jean (1 Jn 4, 7-10)

Bien-aimés,
aimons-nous les uns les autres,
puisque l’amour vient de Dieu.
Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu.
Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu,
car Dieu est amour.

Voici comment l’amour de Dieu
s’est manifesté parmi nous :
Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde
pour que nous vivions par lui.
Voici en quoi consiste l’amour :
ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu,
mais c’est lui qui nous a aimés,
et il a envoyé son Fils
en sacrifice de pardon pour nos péchés.

ÉVANGILE

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 15, 9-17)

En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
« Comme le Père m’a aimé,
moi aussi je vous ai aimés.
Demeurez dans mon amour.
Si vous gardez mes commandements,
vous demeurerez dans mon amour,
comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père,
et je demeure dans son amour.
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous,
et que votre joie soit parfaite.
Mon commandement, le voici :
Aimez-vous les uns les autres
comme je vous ai aimés.
Il n’y a pas de plus grand amour
que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.
Vous êtes mes amis
si vous faites ce que je vous commande.
Je ne vous appelle plus serviteurs,
car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ;
je vous appelle mes amis,
car tout ce que j’ai entendu de mon Père,
je vous l’ai fait connaître.
Ce n’est pas vous qui m’avez choisi,
c’est moi qui vous ai choisis et établis
afin que vous alliez,
que vous portiez du fruit,
et que votre fruit demeure.
Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom,
il vous le donnera.
Voici ce que je vous commande :
c’est de vous aimer les uns les autres. »

Homélie :

La première lecture nous rappelle que l’Esprit-Saint œuvre partout, dans tous les cœurs et à tout moment. Rappelez-vous : Pierre va chez Corneille à Césarée, un centurion de l’armée romaine, (donc un occupant pour les juifs de l’époque), et il a à peine commencé à ouvrir la bouche pour annoncer la Parole (il dit que Dieu est impartial, qu’il accueille tout Homme quelle que soit sa nation…) et voilà l’Esprit qui se manifeste dans le cœur de tous ceux et celles qui écoutent, ils chantent ensemble la gloire de Dieu et tout cela se termine par un baptême collectif sans catéchuménat préalable. Rarement nous avons vu l’Esprit prendre à ce point le TGV ! Et pourtant ? Jésus n’avait-il pas dit que l’Esprit-Saint précéderait ses disciples là où il les enverrait ? Encore aujourd’hui, il nous précède toujours dans les cœurs de ceux et celles que nous rencontrons !

Par conséquent, il n’y a plus à chercher à apporter Dieu dans le cœur des gens, mais à le révéler ! Ça change toute la façon d‘évangéliser si nous sommes convaincus de la présence de l’Esprit à l’œuvre partout, dans tous les cœurs. La mission consiste donc à repérer et à nommer l’Esprit à l’œuvre dans notre monde, et non à chercher à le faire venir, puisqu’il y est déjà, et même avant nous. Voici le premier enseignement de ces lectures, alors, entraînons-nous à le voir à l’œuvre et nous serons certainement surpris de voir combien il est actif, constamment, partout et dans tous les cœurs.

Dans la seconde lecture, Jean insiste sur l’amour comme moyen de connaitre Dieu : sa logique est simple : puisque Dieu est Amour, alors en aimant, nous connaissons Dieu. Superbe raccourci qui devrait nous interdire de penser Dieu comme un juge, qui punit ou qui peut tout. Non ! s’il n’est qu’Amour, alors il n’est pas grand, sage, ou tout puissant, il n’est qu’Amour ! C’est son Amour qui est grand, sage et tout puissant. Et un Amour tout puissant, ce n’est pas pareille qu’un Tout-puissant qui nous aimerait ! Un Amour tout puissant, ne peut que ce que peut l’Amour : il ne peut qu’aimer. Il est toujours utile de nous le rappeler pour ne pas penser Dieu autrement que par le prisme de l’Amour, sans quoi nous le risquons de le réduire ou de le défigurer.

J’en viens à l’Evangile du jour qui nous relate le discours de Jésus à ses disciples au chp 15 de l’Evangile de Jean : les mots qui reviennent inlassablement sont les mots « amour », « joie », « amis », et « commandement » ! C’est bizarre, on dirait que le dernier (le mot « commandement ») est un intrus dans la liste. « Voilà ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres ». Cette expression « je vous commande » (entellomaï en grec) est forte, elle signifie : « ordonner, commander de faire, enjoindre » ce n’est donc pas un petit conseil en passant du genre « ça serait bien si vous vous aimiez les uns les autres » non, Jésus insiste vraiment : « Je vous enjoins, je vous ordonne de vous aimer les uns les autres, ça n’est pas négociable ».

Mais pourquoi insiste-t-il autant ? Je crois que si Jésus fait de l’amour un commandement, c’est parce qu’il sait que c’est la seule manière de connaître Dieu comme Jean nous le disait dans le seconde lecture. Mais il sait aussi qu’aimer vraiment ne va pas de soi. Voilà pourquoi il a besoin d‘insister : pour contrecarrer notre tendance naturelle à aimer à notre hauteur, petitement, un peu égoïstement il faut bien l’avouer. En faisant de l’amour un commandement, Jésus veut imprimer en nous sa manière d’aimer, un peu comme s’il voulait repasser sur un faux pli. Le faux pli c’est notre amour un peu égocentré et le pli qu’il veut inscrire en nous, c’est l’Amour d’agapè, l’amour qu’il vit avec son Père, un amour qui ne recherche pas son intérêt.

Mais en insistant de la sorte, Jésus pourrait laisser croire qu’il s’adresse à ses disciples comme à des esclaves, car ce verbe (entellomaï) était employé principalement par les maîtres qui commandaient leurs esclaves. Alors il ajoute aussitôt : « Je ne vous appelle plus esclaves, car l’esclave ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » C’est bien le mot « esclave » qui est employé ici en grec, et pas « serviteur » qui a une connotation plus positive. Autrement dit, Jésus invite ses disciples à ne pas se comporter avec lui comme des esclaves vis-à-vis de leur maître. Jésus les invite à vivre un autre type de relation avec lui, une relation de type amical, basée sur la confiance mutuelle, sincère et réciproque.

Voilà le second enseignement de ces lectures : Jésus ne veut pas que nous nous considérions comme des esclaves par rapport à lui ou son Père mais comme des amis : nous sommes libres, affranchis, responsables de notre vie. Oui Dieu nous rêve en grand, en adultes responsables, nous n’avons rien à payer à Dieu car tout est gratuit, nous ne sommes plus de petits enfants qui auraient besoin d’être corrigés, mais des adultes avec lesquels il veut inventer une relation unique et singulière.

Dieu ne nous demande pas et ne nous demandera jamais de lui déléguer toute la responsabilité de notre vie, de lui remettre le discernent de nos choix, au contraire, il veut nous voir inventer notre vie avec Lui dans une relation amicale basée sur la confiance mutuelle. La parole de ce jour nous pousse à renoncer à toute position subalterne, inférieure, avec qui que ce soit, y compris avec Dieu. Je reconnais dans ces textes tout l’essence de l’Evangile : un appel à reconnaitre l’idée d’une transcendance, mais une transcendance avec laquelle nous avons à vivre une relation respectueuse et non une soumission servile.

Ce 6ème dimanche de Pâques est donc l’occasion de nous demander : « Quelle relation j’entretiens avec Dieu ou avec Jésus ? infantile ou adulte ? celle d’un esclave avec son maître ou comme avec un ami ? Une relation donnant-donnant ou gratuite, inventive et pleine d’imprévus ? Une relation de peur ou de confiance ?

Voici de bonnes questions à nous poser en ce temps de Pâques, histoire de tout laisser ressusciter en nous, y compris notre relation à Celui qui veut ressusciter.

Bon temps de Pâques !

Gilles Brocard

 

DIMANCHE 28 AVRIL 2024

HOMELIE DE VENUSTE

Il s'agit de vivre avec Lui

Actes 9, 26-31: l’extension de la jeune Eglise est numérique et géographique, l’artisan de cette progression est l’Esprit Saint qui donne l’assurance aux apôtres, à Paul notamment. Celui-ci, de persécuteur, il devient en peu de temps, disciple et même prédicateur, malgré des débuts difficiles : la communauté a commencé par se méfier de lui, parce qu’il avait la réputation de persécuteur. Sa conversion est un signe de la puissance et de la miséricorde de Dieu. Sa prédication occupe toute la 2ème partie du livre des Actes des Apôtres.

1 Jean 3, 18-24 : Dieu est plus grand que notre cœur, nous n’avons pas à nous culpabiliser pour ne pas être à la hauteur du commandement de l’amour ; notre cœur peut rester en paix. Mais cela ne dispense pas de faire l’effort d’être fidèle aux commandements de Dieu afin de demeurer en lui. La preuve qu’il demeure en nous, c’est qu’il nous a donné l’Esprit.

Jean 15, 1-8 : après nous avoir décrit la relation intime de Dieu avec nous sous l’image du pasteur et de ses brebis, St Jean passe à l’autre image très biblique de la vigne dont le Père est le vigneron, le Christ est le cep et nous chrétiens sommes les sarments. Nous devons porter beaucoup de fruits, à condition de demeurer greffés sur Jésus, de nous laisser émonder chaque fois que nécessaire. Rentabilité, compétitivité ?

« Je suis la vraie vigne », dit Jésus. Dimanche dernier, il disait : je suis le bon berger, le vrai pasteur. A d’autres occasions, il dit : je suis le vrai pain, la vraie nourriture, la vraie boisson, la vraie porte, la vraie lumière… Et chaque fois, l’expression « je suis » (que beaucoup d’éditions écrivent tout en majuscules) rappelle le nom que Dieu révéla à Moïse lors de l’épisode du buisson ardent. Ceci pour dire que l’expression « je suis » attire notre attention sur l’affirmation de Jésus qu’il est Dieu, surtout que l’expression est accompagnée d’un titre que la Bible réserve à Dieu.

Dimanche dernier, nous avons compris que le vrai berger, c’est Dieu, le pasteur de son peuple. Pour comprendre l’expression « la vraie vigne », il faut avoir en mémoire les textes des prophètes parce que c’est une image très biblique utilisée pour signifier que la vigne du Seigneur c’est le peuple d’Israël et pour prouver la tendresse et l’attention de Dieu vis-à-vis de son peuple Israël (il paraît qu’une vigne était sculptée sur le fronton du temple). La vigne est l’image de l’Alliance, entre Dieu et son peuple, parce qu’elle exige beaucoup de soins. On connaît par exemple le texte d’Isaïe (5, 1-7) : «… Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Il en retourna la terre, en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. Au milieu, il bâtit une tour de garde et creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais. Et maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda, soyez donc juges entre moi et ma vigne ! Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? J’attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ?... La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda… » Je suis la vigne : Jésus  s’identifie donc à tout le peuple ; nous sommes une partie de lui-même ; le vigneron c’est le Père.

Comme pour l’image du pasteur et de la relation qu’il entretient avec chacune de ses brebis, le vigneron aime sa vigne, il y passe tout son temps, aux petits soins pour chaque sarment : toute l’année, il émonde, élague, taille, met le fumier, pulvérise, assure la protection contre les parasites et les champignons ; il arrose ; et comme le vigneron est Dieu en personne, il donne soleil et pluie en temps voulu. Chaque branche, chaque sarment est précieux, le propriétaire en est fier quand la récolte est bonne ; il fera tout pour que celle-ci soit toujours abondante et d’excellente qualité. Sans lui, sans son travail, pas de fécondité : « en dehors de moi, vous ne pouvez rien ».

« Tout sarment qui donne du fruit, mon Père le nettoie, pour qu’il en donne davantage. » La vigne n’est pas là pour être verdoyante seulement. Cela se comprend très bien. Mais ce qu’on comprend le moins, c’est que « Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève. » Est-ce à dire qu’il y a des personnes que Dieu condamne à être coupées de l’ensemble pour les jeter dans le feu éternel ? Pour comprendre les textes, il faut toujours chercher leur cohérence avec l’intégralité de la Bible. Or nous savons que Dieu fait tout pour récupérer et sauver les pécheurs, il est le médecin qui vient pour les malades, il va à la recherche de la brebis perdue, il s’invite chez Zachée, il refuse qu’on lapide la femme adultère, il donne le paradis au bon larron… les exemples abondent et chacun peut dire le nombre de fois que Dieu lui pardonne. En effet, la vigne c’est chacun de nous : si Dieu ne prend pas ses outils pour, comme disent les vignerons, faire « pleurer » la vigne en taillant tout ce qui est à tailler, il n’y aura pas de fruit, pas de fruit en abondance et en qualité. Car une vigne qui n’est pas taillée, devient sauvage, dépérit, ne produit que du feuillage, ou alors des fruits sauvages, minables, infects et nuisibles. Dieu est le meilleur des vignerons, il connaît son affaire, faisons-lui confiance, laissons-nous émonder car nous en avons besoin, c’est pour notre plus grand bien. Ce travail s’appelle la conversion, la purification, la sanctification : Dieu nous donne vie et sanctification. Acceptons par conséquent l’urgence et la nécessité chirurgicales d’être taillés. Notre vie, pour être vie divine, a besoin que le Maître saisisse ses instruments pour couper tout ce qui est obstacle, tout ce qui est nocif et corrosif. Et nous-mêmes devons chaque jour accepter des renoncements, faire des choix judicieux et courageux. Cela coûte à notre confort matériel, mais il en coûterait sinon pour la vie éternelle. Il vient émonder, élaguer, tailler, ce n’est pas que nous le laissons faire seulement, nous y collaborons (librement, car attachés, au sens d’attachement et non enchaînés), nous travaillons à cette purification, nous assumons cette ascèse, nous opérons cette conversion. Sans lui, nous ne pouvons rien du tout, mais sans notre accord, il ne peut rien faire non plus. La grâce est indispensable tout comme notre bonne volonté. Cela s’appelle de la synergie.

La parabole veut nous prouver comment il est vital et existentiel d’être « greffé » et de « demeurer » dans le Christ. St Jean montre cette unité vitale et existentielle pour chaque sarment, vitale pour toute la vigne, qui est l’Eglise de Dieu, le peuple de Dieu. Détaché, on est privé de la sève nutritive, on dépérit, on sèche, on n’est plus bon qu’à nourrir les flammes. La sève est la vie divine qui alimente et irrigue depuis les racines jusqu’aux branches et aux feuilles des extrémités. Pour recevoir la sève, il faut être greffé sur le cep ; on ne peut être alimenté autrement ; et il faut être sur le cep sans interruption. Il faut « demeurer », mot-clé qu’affectionne particulièrement l’évangéliste St Jean. Demeurer, c’est rester attaché au Christ, sur le Christ, uni au Christ : « de même que le sarment ne peut porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus si vous ne demeurez pas en moi ». Je pense qu’il faut comprendre que dans notre vie, il n’y a pas de jour, pas de seconde où nous pouvons nous couper de Jésus. Il n’y a pas de moments profanes et des moments sacrés. Il faut demeurer sans interruption greffé sur Jésus, « branché » comme on aime dire aujourd’hui. Et cette union, cette communion ne peut être uniquement superficielle ni momentanée, elle doit être profonde et constante. Il faut plonger profondément ses racines en Jésus et rester uni à lui, ne faire qu’un avec lui.

Comment demeurer en Christ ? C’est par une vie qui est prière (prier = « s’entretenir » avec Dieu), c’est par l’assimilation des Saintes Ecritures, c’est par la réception constante des sacrements. Le Christ donne sa vie en nous greffant à son Corps dans le baptême, en la fortifiant par la confirmation, en la nourrissant par l’eucharistie, en la soignant par l’onction des malades et le sacrement de la réconciliation, en lui faisant porter du fruit (selon l’appel reçu) par le sacrement du mariage ou le sacrement de l’ordre (fécondité physique, intellectuelle, spirituelle). Si on se coupe de la sève nourricière, on est mort. On ne demeure pas avec quelqu’un en lui faisant de petites visites furtives et espacées dans le temps. Il s’agit de vivre avec lui. Il s’agit de laisser Jésus planter sa tente chez nous, habiter chez nous, avoir son domicile dans notre cœur. On ne peut demeurer avec le Christ si on ne « communie » pas assez à sa vie. Il ne s’impose pas, à nous de l’accepter en toute liberté. A nous d’accepter de partager notre vie avec lui ; qu’il n’y ait aucun moment, aucun domaine où il serait chassé, où nous lui dirions : désolé, pas toi, tiens-toi à distance, ça ne te regarde pas. Demeurer en lui, « comme lui en nous », c’est aussi nous engager résolument, à ses côtés, dans la réussite de sa mission.

Que veut dire porter du fruit, un fruit abondant, un fruit de qualité ? Notre vie spirituelle doit être féconde. Mais quels fruits ? Pour Jésus, ces nombreux fruits ce n’est évidemment pas le tape-à-l’œil que seraient les statistiques et les albums photos, les églises les plus admirables, ni les manifestations religieuses les plus grandioses. Ce sont les (7 dons) fruits de l’Esprit Saint que St Paul énumère : la charité, la joie, la paix, la longanimité, la serviabilité, la bonté, la confiance dans les autres, la douceur, la maîtrise de soi. Bref, l’amour (par-dessus tout).

Pour qui porter les fruits ? Pour la gloire de Dieu bien sûr, mais c’est aussi pour le salut du monde, l’édification des autres à travers le témoignage. Notre fruit de bonté doit être si attirant que tout le monde prend plaisir à le marauder. Tout le monde qui nous aborde doit pouvoir se régaler de notre bonté, sinon nous sommes un sarment parasite et celui-là le Père le coupe. Tout le monde doit trouver en nous un modèle, un exemple à imiter. Tout le monde qui nous accoste devrait partir rassasié des fruits de notre vie avec le Seigneur. Evitons cependant la mentalité séculière de la rentabilité et la compétitivité.

Remercions le Seigneur qui prend soin de nous, qui nous inonde de la sève spirituelle pour que nous portions du fruit en quantité et en qualité. Laissons-nous émonder, ayons le courage de la conversion définitive, solide, radicale et profonde. Portons du fruit pour notre communauté, pour le monde, pour la gloire de Dieu.

Amen

Vénuste

DIMANCHE 21 AVRIL 2024

HOMELIE DE VENUSTE

Dimanche du bon pasteur

Actes des Apôtres 4, 8-12 : Pierre et Jean sont arrêtés pour avoir guéri un infirme ; l’interrogatoire tourne autour de la question : par quel nom avez-vous reçu le pouvoir des miracles ? Pierre en profite pour faire la catéchèse sur la résurrection : Jésus que vous avez tué, Dieu l’a ressuscité ; la pierre que vous avez rejetée est devenue la pierre angulaire de l’édifice religieux ; le nom de Jésus est le seul qui donne le salut à l’humanité entière.

1 Jean 3, 1-2 : nous portons fièrement le titre d’enfants de Dieu pour avoir reçu la plénitude de son amour. Nous sommes appelés à un destin extraordinaire : nous verrons Dieu tel qu’il est et nous deviendrons même semblables à lui.

Jean 10, 11-18 : le bon pasteur est celui qui remplit son rôle. Dans l’A.T., le roi portait ce titre : il a la mission de rassembler son peuple et de le guider sur de bons chemins. Jésus se présente comme le bon berger que Yahvé avait promis : par sa Passion, il a prouvé que la vie des brebis a du prix à ses yeux.

Chaque année, le 4ème dimanche de Pâques, la liturgie nous offre à lire ce chapitre 10 de St Jean qui parle du Christ comme le berger, le vrai. Le texte a été découpé pour pouvoir être lu sans se répéter dans le cycle des lectures liturgiques de 3 ans. Évidemment le découpage fait que chaque fois on perd des aspects essentiels. Pour bien faire, il faudrait, à la maison, prendre son évangile et lire le chapitre intégralement. Pour situer l’extrait d’aujourd’hui, il faut savoir qu’il est précédé par des versets qui opposent le comportement du bon pasteur à celui du voleur ; l’extrait parle aussi du mercenaire. C’est un procédé littéraire très fréquent qui consiste à définir une chose par son contraire. Il en va ainsi de l’extrait d’aujourd’hui où le bon pasteur est mis en contraposition avec le mercenaire, celui qui n’agit que par intérêt pécuniaire, pour s’enrichir sur le dos des brebis ; les brebis ne comptent pas pour lui, seul compte son salaire ; la preuve en est que quand le loup s’approche du troupeau, le mercenaire détale, préfère sauver sa peau, et laisse le loup se paître des brebis.

La Bible aime décrire Dieu sous l’image du pasteur. Le peuple juif était un peuple pastoral : le troupeau était la richesse par excellence. La relation du pasteur avec sa bête était tout autre que la relation d’un exploitant de ferme ; elle était comme celle qu’aujourd’hui on entretient avec les dits « animaux de compagnie » : l’animal est choyé, cajolé, dorloté… Il en est ainsi dans les pâturages : qu’il vente qu’il pleuve, le pasteur est toujours avec son troupeau ; à force d’être dans la solitude de la montagne avec les bêtes, le pasteur en avait de l’affection, des attentions pour chacune, qu’il appelle par son nom ; la bête sait bien distinguer, reconnaître la voix de son maître ; pour rien au monde elle ne suivra quelqu’un dont elle ne reconnaît pas la voix, alors qu’elle entretiendra une réelle complicité avec son maître. L’image de cette relation sera transposée sur la relation avec l’autorité et surtout avec Dieu.

Les grands personnages de la Bible étaient des pasteurs : Abraham avait des troupeaux immenses, Moïse a été choisi pendant qu’il gardait le troupeau de son beau-père Jessé, et bien sûr David qui gardait le troupeau familial lorsque le prophète est venu l’oindre pour le faire roi. C’est ainsi que le peuple va comprendre que les responsables, aussi bien politiques que religieux, sont des bergers placés par Dieu comme ses lieu-tenants, pour guider, nourrir, protéger… son peuple. Mais comme ils ont souvent déçu, Dieu avait dit qu’il viendra lui-même prendre soin de son peuple. Le peuple était donc dans l’attente de ce moment où Dieu sera lui-même le pasteur de son peuple. Car de vrai bon berger, il n’y en a qu’un seul : Dieu lui-même. Le très beau psaume 22 dit : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien… »

Dans notre civilisation d’élevage industriel d’aujourd’hui, l’image n’est peut-être pas assez parlante comme elle l’était pour l’auditoire de Jésus. En effet pour nous, un troupeau c’est péjoratif, l’esprit grégaire est à bannir, le fait d’être passif et d’être pris en charge c’est infantilisant. Mais la parabole de Jésus parle du berger, il ne faut donc pas chercher à comprendre l’image du berger en se plaçant du côté du troupeau. Qu’est-ce qui intéresse le berger ? Pour les propriétaires, avoir un troupeau, c’est pour qu’il soit économiquement rentable : les moutons on les tond pour la laine, on les traie pour le lait, on les engraisse pour la viande, leur peau servira pour se couvrir ou pour se chausser ; bref ce sont les brebis qui nourrissent le propriétaire qui les « exploite » littéralement au maximum. Les bêtes ne comptent que pour les kilos de viande et de laine ou les litres de lait qu’elles produisent. En cas de problèmes, on les extermine par milliers sans état d’âme. La bête est un numéro (code-barres) dans le tas !

Le berger, dans l’entendement de Jésus, est tout à fait l’inverse. Comme toujours Jésus renverse nos valeurs. C’est le berger qui donne sa vie pour ses brebis, celles-ci se nourrissent de lui. Il est venu pour qu’elles aient la vie et qu’elles l’aient en abondance. « Le Père m’aime parce que je donne ma vie… personne ne peut me l’enlever, je la donne de moi-même. » La vie de la brebis est si précieuse que le bon berger expose sa propre vie à lui et va jusqu’à mourir pour que chacun ait la vie en abondance, en éternité. Il s’expose à de gros dangers même pour l’égaré, il va à sa recherche, il le porte sur ses épaules quand il l’a trouvé et il fait la fête parce que le faire revenir, c’est exactement le ressusciter, le tirer de la mort. Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.

Le berger connaît ses brebis : « comme le Père me connaît ». Dans l’extrait qui précède, il est dit que le berger appelle chaque brebis par son nom, il connaît chacune par son nom. Dans la culture biblique, le nom, c’est la personne et c’est une vocation en même temps. Nul n’est quelconque, nul n’est anonyme, nous n’avons pas de code-barres, ni de numéro d’immatriculation ou d’identification, nous avons un nom. Tout homme est unique devant Dieu. Le Seigneur connaît chacun par son nom, il a le nom de chacun gravé sur la paume de sa main. Le terme « connaître » en hébreu, ne veut pas dire un fichier biométrique comme à l’administration, ni un savoir intellectuel ; mais il veut dire connaître avec son cœur, aimer. Pour la Bible, on ne peut connaître sans aimer : une connaissance très intime puisque c’est la nuance de la relation conjugale (notre Pape François dit que le berger a l’odeur des brebis). Cette connaissance est mutuelle et réciproque : « je connais mes brebis et mes brebis me connaissent ». Cette connaissance n’est pas non plus purement émotionnelle : elle s’enracine dans le lien éternel du Père et du Fils.

L’extrait d’évangile d’aujourd’hui nous invite à porter le regard plus sur le berger qui inspire confiance et amour. Mais il faut parler aussi des brebis. Que doit faire le disciple ? Connaître son bon berger, écouter sa voix. Cette connaissance est donnée par l’écoute : « mes brebis écoutent ma voix » ; c’est par la voix que le berger et les brebis se reconnaissent. Encore une invitation à mettre la Parole de Dieu au centre de nos vies par une fréquentation quotidienne, sinon on risque de perdre l’habitude de la voix de Dieu et ne plus savoir la reconnaître.

L’autre responsabilité, c’est d’être le berger de notre prochain. Au contraire de Caïn : après que Caïn ait tué son frère Abel, Dieu lui demande où est son frère et, lui, il répond qu’il n’est pas le berger de son frère ! Dieu compte sur chacun pour que les brebis qui ne sont pas encore dans la bergerie puissent la rejoindre. Car la mission du berger est de rassembler le troupeau, toute l’humanité ; il prend la tête du troupeau pour conduire les hommes (sans n’en perdre aucun) vers la vie nouvelle en Dieu. Nous avons à aider le Seigneur à rassembler l’humanité dans l’unité, afin qu’il y ait un seul troupeau et un seul pasteur : nous-mêmes sommes les bergers les uns des autres, nous avons à conduire au Christ ceux qui ne le connaissent pas. Nous avons à nous occuper du prochain, par amour, sans aucun réflexe de domination, d’exploitation, de puissance, d’intérêt économique. C’est la mission de tout baptisé. Bien sûr les pasteurs, ce sont surtout ceux qui ont des responsabilités dans l’Église universelle ou au niveau local. Comme toute personne qui a autorité est un berger : le père de famille, l’éducateur, le responsable au bureau… Cependant nous avons tous reçu l’Esprit Saint pour participer pleinement à l’œuvre « pastorale » (le mot vient de pasteur) de nos communautés. A chacun de s’engager : n’éteignez pas l’Esprit, disait St Paul.

Le 4ème dimanche de Pâques est appelé le dimanche du Bon Pasteur. Il est pour cela la journée mondiale de prière pour les vocations. Nous prions le Maître de la moisson, de susciter dans son peuple, des pasteurs à son image et selon son cœur, d’envoyer des ouvriers dans sa moisson : des ouvriers saints et zélés. Ne prions pas pour que la vocation « tombe » chez les autres (que ce soit chez les autres, comme les autoroutes, les plaines d’aviation et autres projets pourtant d’utilité publique mais dont les contraintes deviennent des nuisances parce que chez nous) : soyons nous-mêmes disponibles. Les ouvriers manquent cruellement, alors que Dieu n’arrête pas d’appeler : mais est-ce que nous ne manquons pas de générosité pour nous mettre à son service… déjà dans nos liturgies nous ne savons pas nous mettre au service de la communauté, comment alors avoir des gens qui consacrent leur vie entière à l’Évangile ! Toute chrétienne, tout chrétien est appelé à être responsable d’Église, c’est-à-dire à assumer, selon le charisme reçu de l’Esprit Saint, des services pour que cette Église soit vivante et au service du monde. Des services comme entraide (St-Vincent de Paul), liturgie, chants, finances, fleurs, visites aux malades, catéchèse... Aucun de ces services n'est sans importance. Tous construisent l'Église.

Bien entendu, nous prions aussi pour nos pasteurs qui ont déjà répondu à l’appel du Seigneur : qu’il les garde et les rende saints, joyeux, forts, non de leur autorité, mais de l’esprit de service.

Dans le prolongement de l’évangile de ce jour, le Pape Paul VI en 1964 a institué cette journée mondiale de prière pour les vocations. « La moisson est abondante, disait Jésus, mais les ouvriers sont peu nombreux. » et il ajoutait : « Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson ». Prions donc pour les vocations : qu’ils soient saints et nombreux à se consacrer à l’Evangile .

Amen

Vénuste

 

DIMANCHE 14 AVRIL 2024

HOMELIE DE VENUSTE

Une journée bien remplie

Actes 3, 13…19 : la Bonne Nouvelle de la Résurrection de Jésus se fait en termes antithétiques : Pierre se dit témoin de ce que les Juifs ont rejeté et livré à la mort Jésus (Jésus, le Juste par excellence, que Pilate, le païen, voulait libérer), et il se dit témoin également de ce que Dieu a ressuscité et glorifié Jésus. Les hommes ont agi par ignorance : ils n’ont pas bien « décodé » les Ecritures. En conséquence, ils doivent se convertir et revenir à Dieu par Jésus-Christ. Pierre prend la parole après avoir guéri un infirme, ce qui avait provoqué l’étonnement de la foule ; il tient à préciser que le mérite ne lui revient pas, car c’est le nom de Jésus qui a guéri l’infirme. C’est que la puissance qui a ressuscité Jésus est toujours à l’œuvre à travers les disciples pour donner force et puissance à leur témoignage.

1 Jean 2, 1-5 : le péché colle à la nature humaine, mais désormais le Christ est là, il intercède pour tous. C’est la seule fois dans la Bible (le N.T.) que ce titre « paraclet » est appliqué à Jésus : le Paraclet (le mot signifie l’assistant au tribunal, l’avocat) est appliqué plutôt à l’Esprit Consolateur. Jésus est aussi la victime offerte pour les péchés du monde entier (la doctrine du « rachat ») ; ailleurs on dira qu’il est le prêtre et la victime, tout cela pour prouver l’efficacité de son sacrifice qui s’est fait une fois pour toutes. Connaître Jésus, c’est nouer avec lui une relation personnelle, intime, forte. Connaître Dieu, c’est adhérer à sa volonté et observer les commandements qui se résument en l’amour mutuel.

Luc 24, 35-48 : beaucoup d’apparitions du Ressuscité sont concentrées sur une même journée. Il continue à manifester sa nouvelle présence, mystérieuse mais réelle et dynamique. Il en multiplie les preuves aux disciples toujours dans le doute : il va jusqu’à manger devant eux (pas avec eux) pour prouver qu’il n’est pas un fantôme, un zombie. Il les renvoie aux Ecritures comme preuve suprême. Enfin, il les envoie en mission « en commençant par Jérusalem ». Le schéma des apparitions est là, qui implique reconnaissance du Ressuscité et envoi des disciples comme témoins de ce qu’ils ont vu, entendu, touché, compris…

Troisième dimanche de Pâques et non deuxième dimanche après Pâques : notre fête pascale continue jusqu’à la Pentecôte, comme une seule fête, un long dimanche unique de 50 jours. Continuent également les apparitions du Ressuscité qui tient à accompagner ses disciples dans leur doute, car ils ont besoin de maturation dans leur foi ; il sait que nous sommes « lents à croire », que notre cheminement spirituel est fait de hauts et de bas, nous passons d’éblouissements en hésitations.

Rappel des faits de cette journée bien remplie, selon la chronologie de Luc. Les femmes sont allées au tombeau, ont trouvé la pierre roulée, le tombeau vide, le corps disparu ; deux hommes en habits éblouissants leur disent qu’il est ressuscité ; ils leur rappellent ce qu’il avait dit : « Il faut, disait-il, que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour ». Elles reviennent rapporter les faits et les paroles aux disciples réunis au Cénacle. Pierre (et Jean) a couru au tombeau et a vu les linges : son récit complète celui des femmes. Ce qui n’a pas empêché les disciples d’Emmaüs de rentrer chez eux, déçus dans leurs espoirs sur Jésus. Celui-ci leur apparaît et leur tient le même discours que celui des deux hommes aux femmes au tombeau : « Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? » ; les deux d’Emmaüs restent imperméables jusqu’au moment où ils reconnaissent Jésus quand il rompt le pain et disparaît ; sur le champ, alors que c’est la nuit (ils avaient cependant dissuadé Jésus, jusque-là voyageur inconnu, à poursuivre son chemin dès la nuit tombée), ils reviennent à Jérusalem raconter aux autres ce qui leur est advenu. Là ils se rendent compte qu’ils n’ont pas eu l’exclusivité des apparitions, puisqu’ils apprennent que Jésus est apparu à Simon (aucun évangéliste n’a raconté cette apparition au seul Simon). Avant que, de part et d’autre, le groupe n’ait fini de se raconter les faits, voilà que « lui-même était là au milieu d’eux ». Et nous voyons que les disciples ont des sentiments partagés : stupeur et crainte se succèdent au doute et à la joie. On peut les comprendre. Jésus du reste ne leur fait aucun reproche, il constate qu’ils ont besoin d’être rassurés. Il leur montre avec insistance ses mains et ses pieds, c-à-d les « stigmates » de la crucifixion : car il garde encore les marques de la passion, ce qu’il a vécu reste gravé dans son être, bien sûr ce ne sont plus des plaies (avec pus et odeur) puisque désormais, en son corps glorieux, ce sont les marques de sa victoire sur la mort. Ce n’est donc pas le seul Thomas qui a eu besoin de vérifier : tous, « dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire » (trop beau pour être vrai !). C’est alors que Jésus fait quelque chose d’étonnant : lui qui n’a plus besoin de manger puisque son corps est glorifié, il demande à manger ; on lui offre un morceau de poisson grillé, il le mangea devant eux ; pas avec eux : ce ne fut pas un repas, ce fut juste une preuve qu’il n’est pas un esprit, un fantôme, un zombie, un revenant, un mirage, une hallucination collective pour le groupe.

  Peut-on vraiment parler de preuve, ou plutôt d’épreuve de la foi des disciples ? En tous les cas, il faut les remercier d’avoir eu des doutes et d’avoir pris le temps (40 jours selon les Actes des Apôtres : le chiffre 40 est un temps de maturation, comme les 40 années au désert lors de l’Exode, les 40 jours que Moïse passa sur la montagne, les 40 jours de jeûne de Jésus au désert, etc.). Merci à eux d’avoir douté, d’avoir gardé les pieds sur terre et la tête sur les épaules, afin que notre foi soit fondée sur un témoignage fiable parce que reposant sur des constatations solides. Après avoir mangé le morceau de poisson grillé, Jésus dit les mêmes mots que dans les autres apparitions : « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il fallait que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes ». L’évangéliste ajoute qu’ « il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Ecritures ». Il conclut : « C’est bien ce qui était annoncé par l’Ecriture… »

Il faut relever et souligner cette insistance sur les Saintes Ecritures. En ce sens que ce ne sont pas les apparitions qui donnent la foi, elles sont tout à fait secondaires par rapport aux Ecritures. Il ne s’agit pas de voir le ressuscité, mais de « reconnaître » en lui « mon Seigneur et mon Dieu ». Jésus « se re-trouve » dans les textes qui parlent de lui. C’est donc dans les Ecritures qu’il faut le chercher et le trouver, le « reconnaître ». Seulement il faut en avoir l’intelligence. Rappelez-vous, dit Jésus : il ne s’agit pas de se souvenir des mots, il s’agit de retrouver ce qui est écrit sur lui. Jésus (sa Personne, sa mort-résurrection) est la seule et unique clé de lecture de la Bible, lui seul permet de décoder (c’est le code secret comme pour mon ordi), de déchiffrer les textes qui autrement restent hermétiques et illisibles.

Pour St Augustin, la Bible est "un collyre que Dieu applique à nos yeux pour nous habituer progressivement à une lumière plus vive". Plus nous la lisons, plus elle guérit nos yeux de notre cécité, plus nous voyons ; plus nous voyons Dieu, plus nous avons envie de mieux le connaître, donc de lire les Ecritures.

Il faut prendre en considération que Jésus parle à des Juifs qui connaissent, récitent et lisent quotidiennement les textes des Ecritures, mais il les appelle à lire avec un autre regard (un code). Les chefs religieux connaissaient eux-mêmes les textes, mais ils ont crucifié Jésus par ignorance, dit Pierre dans la première lecture. On peut donc connaître les textes de façon erronée ou tronquée ou superficielle, sans en avoir l’intelligence, une connaissance profonde. Auquel cas, même une apparition du Ressuscité ne donnera pas la foi. L’Ethiopien lisait les prophéties d’Isaïe ; il demande à Philippe (que l’Esprit lui envoie), comment on pourrait comprendre s’il n’y a personne pour guider la lecture et la méditation. Un de mes professeurs disait que, pour avoir la foi, il ne suffit pas de se payer un exemplaire de la Bible dans une librairie. On ne peut pas lire la Bible tout seul, c’est toujours dans la communauté qu’il faut d’abord la lire, c-à-d qu’il faut être initié et introduit ; il en va de même dans n’importe quelle science parce qu’il y a un vocabulaire (jargon), une langue propre à chaque discipline. C’est pour cela qu’une bible (une bonne édition) doit avoir des introductions et des notes pour guider la compréhension selon la foi apostolique (tradition) dont il ne faut pas s’éloigner. C’est pour cela qu’il faut de temps en temps suivre une formation, une session, faire partie d’un groupe biblique… si on veut vraiment rencontrer le Christ : il ne faut pas se contenter d’une connaissance sommaire (juste un peu de catéchisme) qui finalement cache mal une ignorance déplorable. Pourquoi déplorable ? Le concile Vatican II (après St Jérôme) a dit que l’ignorance des Ecritures, c’est l’ignorance de Jésus Christ lui-même. Pie XI avait déploré déjà l’ignorance des chrétiens en matière religieuse et il disait que c’est « une plaie ouverte au flanc de l’Eglise ».

L’ignorance religieuse, l’ignorance des Ecritures, n’est malheureusement pas le fait des jeunes uniquement. Combien d’entre nous peuvent tenir tête, dans une discussion, à des membres de sectes qui font le porte à porte ? Combien savent répondre aux questions que posent leurs enfants et petits enfants ? Pourquoi n’avons-nous pas assez de catéchistes ? Combien possèdent une bible à la maison et combien la lisent de temps en temps ? Combien n’ont-ils pas arrêté de lire la Bible parce qu’elle rebute celui qui n’en possède pas la clé d’interprétation ? Combien souvent y cherchent ce qu’ils veulent, ce qui vient corroborer leurs thèses, au lieu d’y chercher ce que Dieu dit ? Bien souvent on fait dire aux Saintes Ecritures (et à Dieu) ce qu’elles ne disent pas. Et pourquoi ne profitons-nous pas des groupes qui s’intéressent à la Bible : groupes bibliques, conférences bibliques, maisons d’évangile… Il ne suffit pas d’écouter les lectures du dimanche, suffisent encore moins les quelques notions du catéchisme de notre enfance. Sachons donc nous réserver des moments pour lire souvent la Bible. Demandons à l’Esprit du Seigneur de nous aider dans la (re)découverte de l’Ecriture, d’ouvrir nos esprits et nos cœurs à l’intelligence des Ecritures, de rendre nos cœurs brûlants quand le Seigneur nous explique ce qui est écrit sur lui. Que sa Parole prenne chair en nous pour nous aider à discerner sa présence, pour construire et nourrir notre foi, pour ouvrir nos yeux et éveiller nos cœurs à la vie du Ressuscité. Lire la Bible pour rencontrer la Personne de Jésus…. mieux le connaître, mieux l’aimer, mieux le servir, mieux le prier. L’intelligence des Ecritures et le pain rompu sont désormais les moyens de reconnaître le Ressuscité : d’où le rendez-vous de chaque premier jour de la semaine (le dimanche, « le jour du Seigneur »). Le rencontrer pour passer du doute à la foi, de la peur à la confiance, de la tristesse à la joie… pour ensuite aller témoigner. Car l’extrait d’aujourd’hui se termine par l’envoi en mission : « A vous d’en être les témoins ».

Amen

Vénuste

DIMANCHE 7 AVRIL 2024

HOMELIE DE GILLES

Etre en paix

PREMIÈRE LECTURE

Lecture du livre des Actes des Apôtres (Ac 4, 32-35)

La multitude de ceux qui étaient devenus croyants
avait un seul cœur et une seule âme ;
et personne ne disait
que ses biens lui appartenaient en propre,
mais ils avaient tout en commun.
C’est avec une grande puissance
que les Apôtres rendaient témoignage
de la résurrection du Seigneur Jésus,
et une grâce abondante reposait sur eux tous.
Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence,
car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons
les vendaient,
et ils apportaient le montant de la vente
pour le déposer aux pieds des Apôtres ;
puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun.

DEUXIÈME LECTURE

Lecture de la première lettre de saint Jean (1 Jn 5, 1-6)

Bien-aimés,
celui qui croit que Jésus est le Christ,
celui-là est né de Dieu ;
celui qui aime le Père qui a engendré
aime aussi le Fils qui est né de lui.

Voici comment nous reconnaissons
que nous aimons les enfants de Dieu :
lorsque nous aimons Dieu
et que nous accomplissons ses commandements.
Car tel est l’amour de Dieu :
garder ses commandements ;
et ses commandements ne sont pas un fardeau,
puisque tout être qui est né de Dieu
est vainqueur du monde.
Or la victoire remportée sur le monde,
c’est notre foi.
Qui donc est vainqueur du monde ?
N’est-ce pas celui qui croit
que Jésus est le Fils de Dieu ?

C’est lui, Jésus Christ,
qui est venu par l’eau et par le sang :
non pas seulement avec l’eau,
mais avec l’eau et avec le sang.
Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit,
car l’Esprit est la vérité.

ÉVANGILE

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 20, 19-31)

C’était après la mort de Jésus.
Le soir venu, en ce premier jour de la semaine,
alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples
étaient verrouillées par crainte des Juifs,
Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.
Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté.
Les disciples furent remplis de joie
en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous !
De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux
et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ;
à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »

Or, l’un des Douze, Thomas,
appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau),
n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient :
« Nous avons vu le Seigneur ! »
Mais il leur déclara :

« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous,
si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous,
si je ne mets pas la main dans son côté,
non, je ne croirai pas ! »

Huit jours plus tard,
les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison,
et Thomas était avec eux.
Jésus vient,
alors que les portes étaient verrouillées,
et il était là au milieu d’eux.
Il dit :
« La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas :
« Avance ton doigt ici, et vois mes mains ;
avance ta main, et mets-la dans mon côté :
cesse d’être incrédule,
sois croyant. »
Alors Thomas lui dit :
« Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit :
« Parce que tu m’as vu, tu crois.
Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Il y a encore beaucoup d’autres signes
que Jésus a faits en présence des disciples
et qui ne sont pas écrits dans ce livre.
Mais ceux-là ont été écrits
pour que vous croyiez
que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu,
et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.

Homélie :

La première lecture de ce deuxième dimanche de Pâques nous offre l’occasion de réfléchir à ce que nous faisons de ce que nous possédons : vous vous souvenez : « Aucun chrétien n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres, puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun ». Cela semble quelque peu idyllique mais n’ont-ils pas inventés-là un mode de vie qui commence à émerger aujourd’hui ? Quand je vois toutes ces coopératives qui mutualisent les biens et les talents de chacun ; ces éco-lieux qui se développent un peu partout ; ces bâtiments intergénérationnels qui se construisent ici ou là, le marché de la seconde main en plein essor, le souci se prêter des outils au lieu d’acheter chacun les mêmes, etc… je me dis que ces premiers chrétiens nous annonçaient peut-être le monde à venir.

Remarquez aussi qu’ils redistribuaient les biens non pas à part égale mais « en fonction des besoins de chacun » précise Luc, ce qui n’est pas la même chose et qui montre qu’ils avaient le souci de différencier l’égalité de l’équité. C’est subtil. Cela nous invite à réfléchir à la manière dont nous utilisons nos biens et à voir comment nous pourrions davantage les partager autour de nous. Je pense à cette phrase attribuée à Antoine de St Exupéry tirée de la sagesse indienne : « La terre ne nous appartient pas, ce sont nos enfants qui nous la prêtent ! » J’aime cette idée que nous ne possédons rien, que nous sommes de passage sur cette terre, de simples usagers des biens que cette terre nous offre. Ça changerait pas mal de chose si nous pensions les choses ainsi… vous ne croyez pas ?

Dans la seconde lecture, Jean insiste sur l’importance de croire en Jésus-Christ : « Celui qui croit que Jésus est Christ, celui-là est né de Dieu » (autrement dit est connecté à Dieu) et plus loin, il ajoute que « La victoire c’est notre foi, car celui qui est vainqueur du monde, c’est celui qui croit que Jésus est fils de Dieu ». Pourquoi une telle insistance sur la foi ? Parce que pour Jean, la foi est la manière par excellence pour être connecté à Dieu et recevoir sa grâce en abondance. Mais qu’est-ce que la foi ? Pour Jean, la foi est un acte de confiance et non la croyance en des affirmations théologiques, du coup, avoir la foi c’est laisser de la place à de l’autre que moi en moi, c’est faire confiance à quelqu’un d’autre que moi (à nos parents quand nous étions enfants, mon conjoint si nous sommes en couple, mon médecin si je suis malade, mon professeur quand j’étais à l’école, etc…). toutes ces personnes sont autant d’occasion où nous avons fait confiance à d’autres que nous, pour devenir ce que nous sommes aujourd’hui. Il en va de même avec Dieu : avoir la foi en Dieu, c’est lui faire confiance et lui permettre délibérément d’avoir une influence positive sur moi, même si cela me déplace, me dérange, lui faire crédit car je crois qu’il veut mon bien.

C’est donc bien grâce à la foi que nous avons grandi et que nous sommes devenus ce que nous sommes aujourd’hui. En revanche, sans la foi, sans cette capacité à faire confiance à un autre que moi, je ne peux compter que sur mes propres forces, tout est limité à mon seul horizon, à ma petite vie que je bâtis à ma hauteur. Cela ne va pas très loin, ni très haut. Sans la foi, sans cette confiance en l’autre, je me tourne sur moi, je me recroqueville… je fuis ma vie et c’est la peur qui règne. Or, si la peur nous rétrécie, la foi nous élargit.

La peur, c’est justement le problème des apôtres dans l’évangile de ce jour. Vous l’avez entendu, après la mort de Jésus, ils ont verrouillé leur porte par peur des juifs et n’osent plus sortir. Pas simple en effet, les moments qui suivent la mort d’un proche, on a tendance à se refermer sur soi-même, on se sent seul au monde. Mais Jésus ne veut pas laisser la peur les figer, ni les verrouiller, alors il va faire irruption dans leur vie intérieure et leur dire à trois reprises : "la paix soit avec vous", parce qu’il sait que la peur ne fait pas bon ménage avec la foi. En effet, tant que la peur règne, il est difficile, voire impossible, de faire confiance. La paix est la condition préalable à la foi ! Ce n’est pas le doute qui est le contraire de la foi, c’est la peur ; le doute lui, fait partie de la foi, il est même nécessaire à la foi car il la fait grandir en lui posant des questions.

Jésus va devoir s’y reprendre à deux fois, à huit jours d’intervalle, pour rassurer ses disciples, tant la peur les étreint. Il les rejoint au cœur de leurs peurs et vient y insuffler un air neuf : « il souffla sur eux et leur dit recevez l’Esprit-Saint » c’est-à-dire le souffle de vie, le souffle divin qui fait gagner la vie. De la même manière qu’il faut un certain temps aux disciples pour quitter leur peur et accueillir le nouveau mode de présence de Jésus, il nous faut aussi un certain temps pour accueillir la nouvelle présence de nos proches décédés, il nous faut du temps pour inverser le mouvement de repliement sur soi initié par la peur et accueillir l’élan de vie, le souffle de vie qui nous donne l’audace d’aller de l’avant. Nous sommes un peu les jumeaux de Thomas qui ne veut pas croire comme ça sur le papier, mais qui a besoin de toucher, d’expérimenter la présence de Jésus en lui, pour être libéré de la peur. Alors il peut s’adresser à Jésus qu’il l’invitait à cesser d’être incrédule en disant : « mon Seigneur et mon Dieu ». C’est là que Thomas ressuscite dans ce texte, il ressuscite au contact du Ressuscité. Comme quoi la résurrection du Christ est contagieuse.

C’est ainsi que j’entends la phrase de Jésus juste après leur avoir insufflé son élan de vie : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » Jésus les libère de leur peur pour qu’ils puissent croire et sortir de leur enfermement, il les libère pour qu’ils puissent libérer à leur tour ceux et celles qu’ils rencontreront. Voilà leur mission : après s’être laissé ressusciter au contact du Ressuscité, c’est à eux désormais de ressusciter les hommes et le femmes vers qui ils sont envoyés. Voilà comment la résurrection est contagieuse : c’est lorsque les ressuscités deviennent des ressusciteurs, grâce à l’élan de Celui qui vit en nous.

Si en ce temps de Pâques, la peur venait à vous atteindre et à vous replier sur vous, vous savez quoi faire désormais : demandez au Christ ressuscité de venir vous apporter sa paix, non pas pour « avoir la paix » mais pour « être en paix », cette paix qui rassure vraiment parce que je me sais dans la main de Dieu, en sécurité, là où rien de dommageable ne peut m’arriver, comme le dit st Paul : « oui j’en ai la certitude, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur ». Cette paix qui permet de croire, de faire confiance en Celui qui nous veut vivant et qui nous connecte à son élan de vie, afin que nous ressuscitions tous ceux qui en ont besoin autour de nous.

Bon temps pascal
 

Gilles Brocard

DIMANCHE 31 MARS 2024

HOMELIE DE VENUSTE

Fêtes de Pâques

Actes 10, 34… 43 : le « kérygme primitif ». Dans la maison du centurion romain, Pierre résume la vie et l’œuvre de Jésus avec comme point culminant, sa mort-résurrection.

Colossiens 3, 1-4 : la résurrection du Christ n’est pas un fait du passé, elle nous concerne puisque nous-mêmes, nous sommes ressuscités avec le Christ. Reste à vivre en ressuscités : vivre les réalités d’en haut.

Jean 20, 1-9 : il fait sombre dans le cœur de Marie-Madeleine quand elle va au tombeau. Celui-ci est vide. Comme elle est loin de penser à la résurrection, elle en déduit qu’on a volé le corps. Elle alerte les disciples qui viennent vérifier. Pierre constate le bon ordre qui règne dans le tombeau (ce qui exclut l’hypothèse du vol), tandis que Jean voit plus loin : « il vit et il crut ». Il voit que, d’après l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite ; ainsi depuis Pâques, la présence de Jésus est perçue non par les yeux mais par une confiance (foi) éclairée par les Ecritures.

Nous célébrons Pâques, la grande fête qui nous situe au centre de notre foi, cette fête unique que la liturgie fait durer plus qu’une octave (huit jours) : cinquante jours carrément, jusqu’à la Pentecôte.

Il est ressuscité comme il l’avait dit ! Il est vraiment ressuscité ! Incroyable mais vrai. Quelqu’un qui ressuscite et qui fait la visite à ses amis, on n’avait jamais vu (un ressuscité, pas un revenant).

C’était seulement depuis peu que les Juifs croyaient en la résurrection, pas tous d’ailleurs puisque les Sadducéens (toujours contre les idées nouvelles, pour eux est valable uniquement ce qui est écrit dans le Pentateuque) n’y croyaient pas du tout. Ceux qui y croyaient, c’était en vertu de la loi de la rétribution : la justice est immortelle (cf. le livre de la Sagesse), c-à-d qu’il faut que « le juste » qui a vécu selon la loi de Dieu, ne meure pas comme les impies et les méchants, qu’il soit immortel et puisse être récompensé pour sa justice. Cette immortalité – qui n’est pas la résurrection au sens où nous la professons – était attendue pour la fin des temps, le jour du jugement dernier. Quelques chrétiens en sont restés à cette idée de résurrection qui est immortalité et qui ne sera donnée qu’après un jugement dernier qu’il faut attendre on ne sait combien de siècles ou de millénaires.

Jésus est ressuscité, c’est bien autre chose. Ce fut la surprise de ce matin de Pâques. Les femmes, et les apôtres avec elles, n’oublieront jamais ce jour-là. Ce fut la surprise de leur vie. Ce fut la surprise de toute l’histoire de l’humanité. Un homme qu’on ensevelit à la hâte parce que c’est la veille d’un grand sabbat : on a juste eu le temps de l’envelopper de linceul et de le poser sur la banquette prévue à cet effet dans les tombes, on a eu juste le temps de lui verser les aromates indispensables à tout rite juif de funérailles (quelques 33 kilos quand même d’un mélange de myrrhe et d’aloès : de quoi étouffer Jésus s’il n’était déjà mort !). Voilà pourquoi le lendemain du sabbat, de grand matin, les femmes se sont empressées d’aller compléter le rituel. St Jean ne parle que d’une femme, Marie Madeleine, mais utilise le pluriel plus loin ; elles ont eu l’idée à plusieurs (peut-être qu’elles ne s’y sont pas rendues en même temps) : elles vont embaumer un cadavre, lui rendre les derniers devoirs et mettre un point final à l’aventure Jésus. Elles savent qu’elles rencontreront une grosse difficulté : la grosse pierre qu’il fallait rouler pour accéder à l’intérieur du tombeau. St Jean souligne l’étonnement : Marie Madeleine voit que la pierre a été enlevée du tombeau ! Jean ne dit pas qu’elle a regardé à l’intérieur, elle n’a rien inspecté. Elle s’affole, triste et déçue de ne même pas pouvoir embaumer le corps, elle va donner l’alerte. Elle court alerter Pierre et Jean : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l'a mis. ». Un bon roman policier commencerait bien comme cela : un cadavre qui disparaît, la première personne qui s’en rend compte donne l’alerte. Et les deux disciples arrivent à vaincre la peur qu’ils avaient, à savoir être arrêtés après l’exécution de leur maître ; ils courent pour aller « voir » : l’idée n’a encore traversé l’esprit de personne que Jésus soit ressuscité (alors qu’il les avait prévenus). Il convient de remarquer le geste de Jean qui, plus jeune que Pierre, arrive avant lui au tombeau mais le laisse entrer le premier (on interprète cela dans le sens de la « primauté » de Pierre).

Les deux vont voir la même scène et les mêmes objets, mais pas avec le même regard. Jean « vit et il crut ». Et pourtant il n’y avait rien à voir, puisque le cadavre qu’on cherchait a disparu. Mais il y a des indices qui s’ajoutent au fait que le tombeau soit vide, au fait que la pierre avait été roulée. Les linges sont des pièces à conviction qui excluent l’hypothèse la plus spontanée, celle de Marie Madeleine : on n’a pas volé le corps car des voleurs auraient emporté le corps avec tout ce qu’il endossait, ils n’auraient pas pris le soin de bien ranger les linges. « Il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place »… à sa place. Le corps est sorti des linges, la Vie a roulé la pierre. Pour comprendre cet indice, il faut se rappeler l’histoire de Lazare que Jésus avait ramené à la vie, mais qui est sorti du tombeau encore entravé par les bandelettes qui enveloppaient son corps : il a fallu que Jésus demande qu’on le libère, qu’on l’aide à se dépêtrer des bandelettes (auparavant Jésus demande d’enlever la pierre). Ici ce n’est pas le cas.

En fait Jean en a vu assez pour que ça fasse « tilt » dans sa tête. Il s’est rappelé tout ce qui était écrit dans les Saintes Ecritures, il s’est rappelé tout ce que Jésus avait dit, « qu’il fallait que le Fils de l’Homme soit crucifié, qu’il meure afin de ressusciter ». Comme les disciples d’Emmaüs, quand ils ont reconnu le Christ à la fraction du pain qui a fait tilt dans leur tête pour reconnaître que le cœur leur était brûlant quand il leur expliquait les Ecritures, Jean voit et à l’instant, il a l’intelligence des Ecritures. Comme quoi, encore une fois, au lieu de courir derrière des miracles et des apparitions, il faut l’intelligence des Ecritures pour avoir le sixième sens qui nous fait reconnaître la présence du Christ, il faut donc lire la Bible et en être instruit. Reconnaître qu’il fallait… Quelqu’un d’autre a vu et a cru tout de suite : le centurion romain près de la croix (pas celui de la première lecture, sinon Luc aurait fait le rapprochement), ce païen a fait l’une des meilleures professions de foi : en voyant comment Jésus avait expiré, il s’exclama : celui-ci est vraiment le Fils de Dieu… et c’était avant la résurrection. Bravo ! Au centurion, c’est la mort de Jésus qui a parlé, aux disciples d’Emmaüs ce fut la fraction du pain, à Jean les linges à leur place (et le vide qui laisse deviner une présence autre). Et à nous, qu’est-ce qui nous parle ?

Jean reconnaît le mystère de la présence à travers l’absence. La foi ne vient pas de ce qu’on voit, pas nécessairement ; elle vient de la mémoire de ce qu’on a entendu. La vision du linge bien roulé a fait remonter à la mémoire de Jean des paroles tant de fois entendues et qui à ce moment prennent sens et consistance. On aime dire que Jean a vu et a cru tout de suite, parce qu’il est celui que Jésus aimait et réciproquement. Comme quoi l’amour n’est pas aveugle contrairement à ce qu’on dit, l’amour a des yeux puissants, les yeux du cœur, des yeux qui ne trompent pas : « On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux » (Antoine de Saint-Exupéry). Quand on aime, on sent la personne qu’on aime sans qu’il y ait une présence physique. La foi (même racine que fiancé, confiance, fidélité) naît de l’amour et non de l’accumulation de preuves ; elle grandit dans le cœur à cœur et elle est relation d’amour. Il nous manque cet amour qui nous fait voir au-delà des apparences et qui brûlait le cœur de Jean. Nous cherchons des preuves, nous voulons aller au tombeau constater nous-mêmes (pèlerinage ?), nous voulons des reliques (la vraie croix, le suaire…), nous voulons que Jésus vienne se montrer chez nous aussi. C’est quand nous avons de ces exigences, que nous nous bloquons à la foi. Le Ressuscité ne s’est pas montré de façon fracassante et triomphante, il n’est pas allé chez Pilate ni chez Caïphe, il est apparu à ceux qui sont ouverts à la foi : « non pas à tout le peuple, dit Pierre à Corneille, mais seulement aux témoins que Dieu avait choisis d’avance ». Et là encore, en toute grande discrétion. C’est pourquoi il n’y a pas de preuve contraignante de la résurrection (la foi étant un acte libre, pas de contrainte ni physique, ni morale, ni intellectuelle). C’est pourquoi les apôtres ne sont pas partis montrer les linges (l’engouement pour les reliques est venu après eux), ils n’ont pas vénéré le tombeau de Jésus (ils ne l’ont pas indiqué). Ils se sont remémorés tout ce qui est écrit à propos de Jésus dans la loi et les prophètes ; ils se sont rappelés ce que Jésus lui-même avait dit. Comptez le nombre de fois où il est dit dans les évangiles qu’ils se rappelèrent un geste ou une parole de Jésus (par exemple quand il chassa les marchands du temple), ou encore les expressions telles que « pour que les Ecritures soient accomplies ». Lisez les Actes des Apôtres pour remarquer la catéchèse de Pierre ou de Philippe ou de Paul : c’est toujours une relecture des Ecritures, des citations de la Bible, avec comme clé d’interprétation, la personne de Jésus et l’événement de la résurrection. C’est l’intelligence des Ecritures qui amène à la foi, et la foi mène à l’amour. Le témoignage des premiers témoins nous suffit pour comprendre ce qu’ils ont compris.

Nous pouvons dès lors comprendre pourquoi il y a tant de lectures à la Veillée Pascale. Les lectures liturgiques sont une autre présence du Christ, avec la présence eucharistique, la présence dans l’assemblée (là où deux ou trois sont réunis), la présence dans le pauvre (j’étais nu, malade, en prison… dans l’un de ces petits qui sont mes frères). Le Ressuscité, nous le trouverons là où on lit la Bible, là où on prie avec elle, là où on s’aime comme la Bible l’enseigne.

En cette fête de Pâques, demandons que notre esprit s’ouvre à l’intelligence des Ecritures. Mais comprenons bien qu’il faut croire pour comprendre. Comme Marie Madeleine qui est finalement l’image de notre humanité : elle n’a pas compris ce qui se passait, mais elle part répandre la nouvelle. N’attendons donc pas d’avoir tout compris pour être témoin à notre tour. Que le Seigneur fasse rouler toutes les pierres qui obstruent notre route : nos misères, nos péchés, nos doutes, nos exigences de preuves…

Amen

Vénuste

 

DIMANCHE 24 MARS 2024

HOMELIE DE VENUSTE

Fête des Rameaux

 

Isaïe 50, 4-7 : les Juifs attendaient un messie guerrier et conquérant, mais la Bible avait annoncé un serviteur souffrant, non-violent qui ne rend pas les coups mais ne se dérobe pas non plus ; sa confiance en Dieu est totale car il sait qu’il ne sera pas confondu.

Philippiens 2, 6-11 : de condition divine, le Christ s’est abaissé jusqu’à la croix (la plus grande déchéance mise au point par les hommes) ; c’est pourquoi il est élevé à la gloire divine. Dans ce dernier mouvement d’élévation et d’exaltation, il entraîne l’humanité.

Marc 14,1 – 15,47 : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! » La déclaration du centurion romain est l’aboutissement de tout l’évangile car la proclamation des actes et des paroles de Jésus a pour fonction de susciter de telles professions de foi. Alors que ceux qui entendaient les Ecritures chaque sabbat traitaient Jésus en bandit et en blasphémateur, le centurion païen a été témoin de ce geste suprême : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour les autres ».

Nous allons célébrer ce que l’Eglise appelait jadis « la Grande Semaine ». Aujourd’hui nous disons « la Semaine Sainte ». Nous sommes au cœur de notre foi, parce que si nous suivons le Christ en qui nous croyons, ce n’est pas parce qu’il faisait de grands enseignements et de grands miracles, c’est parce qu’il est mort et ressuscité pour nous. C’est dans le Crucifié Ressuscité que nous avons le salut.

Les évangélistes l’ont compris, eux qui racontent la passion avec un maximum de détails : ces récits sont probablement les premiers à avoir été rédigés. Ils mettent d’ailleurs beaucoup de soins à la raconter, tellement que les commentateurs disent que c’est la partie essentielle des évangiles, le reste n’étant qu’une sorte de préliminaire. Dans l’évangile de Marc, la passion représente carrément 1/5 de l’œuvre. C’est important à souligner quand on sait ce que représente la mort pour les gens de l’époque et surtout la mort par crucifixion. En effet, on pensait que le béni de Dieu est celui qui vivait longtemps et mourait « rassasié de jours » ; or Jésus meurt très jeune, après quelques trois années de prédication seulement. Et puis il y a pire : la crucifixion. La Bible dit elle-même : maudit soit qui pend à la croix. Voilà donc une mort qu’il fallait normalement cacher, qu’il fallait taire : comment parler d’un messie mort, trop jeune et de cette ignominieuse façon ? Et pourtant les premiers chrétiens vont en parler avec fierté. St Paul affirme : « Que ma seule fierté soit la Croix de notre Seigneur Jésus-Christ ». Il est à remarquer aussi la place de la Passion du Christ chez les grands peintres et même dans les chefs-d’œuvre de la musique. Parce que cette mort a une haute signification et immense portée, pour toute l’humanité ; c’est une merveille pour le monde entier. C’est extra-ordinaire, c’est divin !

Deux particularités de Marc dans son récit de la passion par rapport aux autres évangélistes : la profession de foi du centurion et la solitude de Jésus (on pourrait parler aussi de son silence). Il y a lieu aussi de parler longuement de cette femme (pas nommée) qui répand abondamment son précieux parfum sur Jésus, geste qui scandalise l’assistance mais que Jésus apprécie et explique : « D’avance, elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement » ; la gratuité du geste est dans la même ligne que la gratuité du don de sa vie par Jésus. On pourrait parler aussi de la royauté de Jésus que personne ne nie, mais qui est fortement affirmée, même à travers la dérision : dans les questions de Pilate, comme dans la parodie des soldats (manteau pourpre, couronne d’épines, révérences moqueuses, chicote) et surtout l’écriteau au-dessus de la tête de Jésus sur la croix. La croix ouvre les portes du Royaume.

Jésus est seul au moment de sa passion, alors qu’à l’entrée messianique, toute la foule était avec lui. Quand il porte sa croix, tout le monde lui est hostile ; sous les huées, les crachats, les injures, les moqueries, les sarcasmes, le fouet. La foule lui crie sa haine, les autorités religieuses le défient de descendre de la croix pour qu’elles croient en lui, Pilate le met en marchandage avec un assassin, les soldats le prennent en dérision en faisant la génuflexion devant ce roi des Juifs en sang, même un des condamnés avec lui ne le ménage pas… Trahi par Judas, abandonné par les autres disciples qui ont disparu ; Pierre qui pense le suivre incognito va le renier trois fois quand il est démasqué. Sur la croix, il va dire le verset du psaume 21 qui dit que même Dieu l’a abandonné (il faut lire tout le psaume pour découvrir combien il colle avec la réalité que vit Jésus, mais aussi pour se rendre compte que finalement c’est un psaume qui exprime la confiance). Il y a quand même quelques personnes qui lui sont favorables, en plus de Jean et des femmes qui l’accompagnent jusque sous la croix et assistent à sa sépulture : la femme qui verse sur lui un parfum précieux à Béthanie, Simon de Cyrène qui l’aide à porter la croix, une certaine Véronique que la tradition dit lui avoir essuyé le visage avec un linge qui en a gardé l’empreinte comme une icone, le bon larron qui se recommande à lui pour aller au paradis, et plus encore le centurion païen qui fait la très belle profession de foi : « Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s’écria : ‘Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu’. » Tous les commentateurs s’accordent à affirmer que le sommet de l’évangile de Marc est précisément cette profession de foi du soldat romain. Alors que ceux qui lisaient et scrutaient les Ecritures toute leur vie surtout le sabbat à la synagogue, se refusaient à reconnaître l’évidence, ce païen, ce dur soldat habitué à mettre les gens à mort, lui qui avait reçu l’ordre d’exécuter un agitateur, c’est lui qui va reconnaître le Fils de Dieu. Il fait sa profession de foi avant la résurrection, remarquons-le. Cette mort lui a parlé. C’est ce message que les récits de la passion veulent justement transmettre. Tout au long de l’évangile de Marc, on rencontrait « le secret messianique » : Jésus interdisait aux miraculés comme aux disciples qui avaient assisté à la transfiguration, de révéler qui il est, avant que le Fils de l’homme ne soit passé par la mort–résurrection ; voilà qu’après avoir expiré, on peut maintenant le proclamer, le secret est levé, il n’y a plus de danger de se tromper sur lui avec de faux messianismes, il n’y a plus d’ambiguïtés sur la manière de remplir sa mission. Parce qu’à la croix, tout est dit, tout est accompli. Jugé, condamné, exécuté, nu, dépouillé de tout, cette fois-ci il accepte la royauté : « Es-tu le roi des Juifs », demande Pilate ; « oui, je le suis ».

« Crucifié pour nous sous Ponce Pilate ». C’est la profession de foi que nous faisons à la messe chaque dimanche. J’aimerais souligner l’expression « pour nous ». Car il ne suffit pas de dire que Jésus est mort en croix, point à la ligne. Il faut le dire bien sûr parce qu’il y en a qui ont tenté d’affirmer qu’il n’est pas mort, qu’il a réussi à échapper à ses adversaires comme il l’avait fait d’autres fois, que ce serait Simon de Cyrène qui aurait été crucifié à sa place : encore des tentatives de cacher cette mort de la part de gens qui ne supportent pas qu’un messie à la taille de Jésus puisse connaître la mort, surtout cette mort-là sur une croix. Il faut donc affirmer haut et fort qu’il est réellement mort, qu’il n’a pas joué la comédie, que s’il s’est fait réellement homme, il ne s’est pas dérobé à la mort, il n’a pas triché. Mais il faut ajouter qu’il est ressuscité. Sans oublier le « pour nous » qui donne la signification, le pourquoi de cette mort. C’est ce « pour nous » qui fonde l’espérance que nous avons en Jésus. Il est mort et ressuscité, par amour, pour que nous ayons en lui la vie, et la vie en abondance, la vie éternelle (divine).

Nous sommes au cœur de la foi chrétienne, l’événement qui fonde notre espérance : la mort–résurrection du Christ, événement sans lequel il ne serait qu’un prédicateur comme les autres. Il est notre sauveur parce qu’il ne s’est pas dérobé à la mort, parce qu’il a triomphé de la mort et nous promet de partager la même victoire. Nous n’échapperons pas à la mort, mais, grâce à Jésus, elle ne tue plus, elle devient Pâques, passage de cette vie à la vie éternelle, la vie même de Dieu.

Ce dimanche de la passion, nous célébrons sa mort, à Pâques nous célébrerons sa résurrection. La réalité de sa mort est encore soulignée par l’expression que nous avons dans le Credo : il a été enseveli (fut mis au tombeau). Une expression qui signifie que plus personne ne pensait le revoir : on a fermé le tombeau avec une lourde pierre et chacun s’en est retourné chez lui. Il avait bien dit qu’il allait ressusciter le troisième jour, mais personne ne s’en souvenait… sauf les adversaires qui vont poster une garde importante, au cas où… ! Les femmes qui vont se hâter vers le tombeau dès les premières lueurs du lendemain du sabbat, elles n’allaient voir qu’un mort envers lequel elles allaient remplir les obligations du rituel des défunts, rites qu’elles n’avaient pas pu faire à cause de la proximité du grand sabbat de Pâques. Quant aux apôtres, les plus intimes parmi les intimes, ils avaient verrouillé la porte de la maison où ils se cachaient par peur (ils s’attendaient à ce qu’on vienne les arrêter eux aussi, puisque leur maître avait été condamné) ; ils s’enfermaient dans le désespoir, une lourde pierre fermait leur cœur.

« Nous annonçons ta mort, Seigneur Jésus, nous proclamons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire. » Cette acclamation (appelée anamnèse) nous la faisons après la consécration à la messe. La procession des rameaux a le même sens. Les rameaux bénits (le buis) sont un signe de victoire, un signe pascal (parce que ce sont des branches qui restent vertes en hiver, ils sont signe que la vie est plus forte que la mort). On les porte pendant la procession et pendant la lecture de la passion (pour méditer la mort du Christ sur le fond de sa victoire). On les fixe à une croix dans la maison, comme signe de la foi et de l’espérance en la victoire du Christ. La coutume est de les déposer aussi sur les tombes, beau geste de foi en la résurrection des défunts (tant que ce n’est pas un simple culte des morts ou un relent de superstition). Le Crucifié est le Ressuscité ; il nous donne part à son triomphe sur la mort.

Nous t’adorons, Seigneur, et nous te bénissons, parce que tu as racheté le monde par ta sainte Croix… « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».

Amen

Vénuste

 

 
 
 
 
 
 
 
 

 

 
 
 

 

 

 

 
 
 
 

Date de dernière mise à jour : 29/04/2024