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DIMANCHE 11 JUIN 2023                                               Fête du Corps et du Sang du Christ

Homélie de Vénuste

Comment avoir la vie éternelle ?

 

Deutéronome 8, 2… 16 : Moïse rappelle le temps de l’Exode quand Yahvé a nourri le peuple avec la manne qu’il faisait descendre du ciel et l’a désaltéré avec l’eau qu’il fit jaillir de « la roche la plus dure ». C’était pour montrer que c’est Dieu qui donne et soutient la vie, et aussi que l’on « ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur ».

1 Corinthiens 10, 16-17 : Paul témoigne de la foi et de la pratique liturgique de l’Eglise à sa naissance déjà. La liturgie est une action de grâce, l’assemblée bénit la coupe et rompt le pain. Les chrétiens reçoivent le Corps et le Sang du Christ pour devenir en retour le Corps du Christ, corps ecclésial dont le Christ est la tête. St Augustin dira : « devenez ce que vous recevez ».

Jean 6, 51-58 : « le discours sur le pain de vie ». Pour avoir la vie éternelle, la vraie, la condition sine qua non est de manger la « chair » du Christ et de boire son sang. Référence à l’agneau pascal et à la Cène. S’il faut manger pour vivre, il faut choisir la vraie nourriture pour avoir la vraie vie : non pas nos sandwiches humains ! Il n’y a que Dieu qui peut satisfaire notre faim : le Christ est la vraie nourriture et la vraie boisson.  « Ceci est mon corps, prenez et mangez… »

C’est vers 1210 que Julienne, une religieuse augustine de Cornillon (Liège), eut une vision qui demandait d’instaurer une fête spéciale dédiée à la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. La fête fut introduite à Liège, en 1246, et placée au jeudi après la Sainte Trinité, 60 jours après Pâques. Un confident de la moniale, devenu le pape Urbain IV, étendit la fête à toute l’Eglise, en 1264 par la bulle « Transiturus », extension réalisée, en fait, à partir de 1317. Saint Thomas d’Aquin composa des textes pour cette fête, dont la belle séquence « Lauda Sion ». Il est toujours intéressant d’être informé sur l’origine de nos dévotions, ce qui les a favorisées, ce qu’elles voulaient souligner et - cela se vérifie toujours – ce qu’on a perdu en insistant sur l’un ou l’autre aspect de la spiritualité : ici la naissance et le développement de la dévotion à Jésus Eucharistie.

Tout le monde s’accorde à dire que la dévotion au Saint Sacrement, vient du fait que, à une certaine époque, l’Eglise a rendu difficile la réception de la communion ; alors on a compensé cette privation par la vue de l’hostie, l’élévation de l’hostie, les processions avec « ostensoir », la fréquence du salut du St Sacrement (avec le confinement, on a essayé de compenser par le virtuel). On voulait aussi défendre la présence réelle, une présence permanente parce qu’elle ne se limite pas à la liturgie eucharistique. Le culte de la présence eucharistique prit donc de l’importance, au détriment des aspects de sacrifice, de repas, d’assemblée. On est arrivé jusqu’à exposer le St Sacrement pendant la messe elle-même. Plus tard, la réaction anti-protestante affaiblit encore plus la liturgie de la Parole, tandis que le jansénisme étouffa la communion : il décourageait les gens à recevoir la communion, par respect pour le Christ réellement présent dans l’hostie consacrée qu’on n’ose pas prendre dans la main ni croquer sous la dent. Des idées justes, trop unilatéralement appuyées, avaient ainsi conduit à la mort de l’esprit liturgique… Alors la piété populaire, privée de la communion, a développé l’adoration : voir l’hostie, rester en prière devant l’ostensoir ou le tabernacle (désormais surchargé d’ornements et même plus en évidence que le maître-autel), après ou en dehors de la messe. Voir… c’est maintenir une distance « là-bas » dans l’ostensoir ou le tabernacle ; contrairement à manger, car ce qu’on mange, on le fait sien physiquement, il y a union, il y a communion.

Ceci est mon corps livré, prenez et mangez, avait dit le Christ ; ceci est mon sang versé, prenez et buvez (il n’a pas dit venez adorer !). Ces paroles sont dites encore plus « crûment » par l’évangéliste Jean qui n’a pas raconté l’institution de l’Eucharistie comme les 3 autres évangélistes, mais qui en a fait toute une riche méditation (catéchèse) dans son chapitre 6, « le discours sur le pain de vie » (Jésus Parole est déjà nourriture, car l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu : avant la multiplication des pains, Jésus les a instruits si longtemps qu’ils en avaient oublié la faim de l’estomac). A son habitude, Jean donne des mots-clés qu’il répète plusieurs fois à chaque phrase : ce sont les mots « manger », « boire », « chair », « sang », « vie », « vrai », « demeurer ». Manger la chair, boire le sang, quelle horreur ! On peut s’expliquer que l’auditoire fut choqué, parce que le langage de Jésus est sans ambiguïté, sans équivoque (pas de symbolique ici). Il y avait de quoi être choqué quand on constate que Jésus n’utilise pas le mot « corps », mais « chair », autrement dit « viande » ! Ces mots : manger le corps du Christ, boire son sang, font penser à de l’anthropophagie. Quelques disciples décidèrent de le quitter en criant : « C’est intolérable ! » Il y avait de quoi être choqué quand on sait que le terme utilisé pour « manger » signifie « mâcher soigneusement » : il était recommandé de mâcher soigneusement l’agneau pascal. Il y avait de quoi être choqué quand on sait que, pour les Juifs, boire le sang était tabou et même sacrilège : le sang c’est la vie, et à ce titre n’appartient qu’à Dieu seul ; il était donc interdit de boire le sang et on ne mangeait la viande qu’après avoir saigné la bête complètement, comme l’exige aussi l’Islam.

Mais que faut-il comprendre exactement par « chair » et « sang » ? Le pain que je donnerai, nous dit Jésus, c'est non pas une chair morte, mais c'est moi-même, qui me suis donné pour la vie du monde et suis ressuscité. Il y a ce mot « chair » qu’affectionne saint Jean (« le Verbe s’est fait chair »). Il désigne, chez lui, l’homme entier, vivant, « bien en chair », âme et corps. Il l’utilise contre « l’hérésie des apparences » (docétisme) selon laquelle le Verbe incarné n’aurait eu que les apparences d’un homme. Jean affirme la réalité de l’Incarnation et, par voie de conséquence, le réalisme de la communion eucharistique. On ne fait pas semblant de recevoir le Christ, on reçoit réellement sa chair, et donc sa personne. Le rapport de ce texte avec la Cène est clair : la chair donnée pour le monde fait penser au « corps livré pour la multitude » ; manger ma chair, boire mon sang est le pendant de « Prenez et mangez, ceci est mon corps… prenez et buvez, ceci est mon sang ». De même, le mot « sang ». Quand Jésus dit : « Ceci est mon sang », il ne parle pas du liquide qui coule dans ses veines et artères, mais de sa personne imprégnée de Dieu, qui vit du Père. Il est donc réellement présent. Il l’est d’une présence plus que symbolique. Christ ne fait pas « comme si » il était présent. Ceci est mon corps, dit Jésus. Il ne dit pas : Ceci signifie mon corps. Evitons cependant l’autre extrême de nous l’imaginer d’une présence trop matérialisée : le Christ de l’Eucharistie est un Christ de gloire, ressuscité. Nous ne sommes pas des anthropophages en mangeant le corps et en buvant le sang du Christ. Mais nous recevons véritablement le Christ en personne, nous recevons vraiment sa vie. Dans le corps livré, dans le sang versé, nous recevons le Christ en son don entier sur la croix.

Et que veut-il donc nous dire, Jésus, quand il parle de « vie éternelle » ? Curieusement, Jésus présente la résurrection comme la suite normale de la vie éternelle, et non l’inverse. Pour Jean, la vie éternelle, c’est le présent de tous ceux qui se nourrissent du corps et du sang du Christ, tandis que la résurrection est l’avenir de ceux qui vivent dès aujourd’hui de la vie éternelle : le chrétien ressuscite parce qu’avant la mort, il vit déjà la vie éternelle, Dieu demeure déjà en lui et lui en Dieu. Donc la vie éternelle, ce n’est pas après la mort (ce serait trop tard). Mais comment avoir cette vie éternelle ? En mangeant la chair et en buvant le sang du Christ. C’est la condition sine qua non ! Manger la chair et boire le sang du Christ, c’est entrer en communion d’amour et de destin avec lui. C’est partager sa vie, la vie de l’Homme-Dieu, cette vie du Père. « De même que je vis par le Père, de même aussi celui qui me mange, lui aussi vivra par moi ». Une telle vie ne saurait mourir. Vos pères ont mangé la manne et sont morts, ce pain que je donne est vie, celui qui le mange vivra éternellement, je le ressusciterai.

L’homme est ce qu’il mange ! Nous comprenons aisément la nécessité de manger pour vivre. Est-ce qu’un fœtus ne vit pas de sa mère, de ses « entrailles » ? Même après la naissance, le bébé vit de maman par son lait. Il faut assimiler un élément « vital » pour vivre. On peut parler de communion entre la nourriture que nous mangeons, et nous-mêmes : la nourriture devient chair de notre chair et sang de notre sang. C'est le principe vital le plus fort qui assimile le moins fort : le végétal assimile le minéral ; l'animal assimile le végétal. De même entre l'homme et le Christ. C'est le Christ qui nous assimile à lui ; nous nous transformons en lui, non lui en nous. Grâce à l'Eucharistie, l'homme devient vraiment ce qu'il mange, c.-à-d. corps du Christ ! Celui qui mange la chair du Fils de Dieu se trouve ainsi divinisé et immortel.

Il y a une autre dimension qu’il ne faut pas perdre de vue : être le Corps du Christ. « Recevez ce que vous êtes, et devenez ce que vous recevez ! », disait St Augustin pour dire que nous sommes le Corps du Christ, nous recevons le Corps du Christ sous les espèces du pain et du vin, pour devenir davantage le Corps ecclésial du Christ. « Puisqu'il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain », dit la 2ème lecture. Il est évident qu’ici le mot « corps » n'indique plus le corps du Christ né de Marie mais « nous tous », ce Corps plus grand du Christ qui est l'Eglise. Ceci signifie que la communion eucharistique est toujours également communion entre nous. En mangeant tous de l'unique nourriture, nous formons un seul corps. Celui qui va donc à la communion, s’engage à construire l’Eglise en participant à la vie de la communauté paroissiale, il s’engage aussi à rendre le Christ présent dans son milieu de vie. La communion n’est donc pas à consommation personnelle, on ne reçoit pas « sa » communion, on ne fait pas « sa » communion, ni privée ni solennelle.

En cette fête du Corps et du Sang du Christ, rappelons-nous tous ces éléments, ne nous accrochons pas à la « petite » hostie sans avoir participé réellement et intensément au reste de la liturgie et à la vie paroissiale (ecclésiale), parce que dans ce cas, même si l’hostie reste signe de la présence eucharistique, on tombe dans la magie, elle devient un peu comme un gri-gri protection et assurance-vie (éternelle). N’allons pas à la communion comme à un distributeur automatique… pour avoir sa dose… par devoir ! Devenons ce que nous recevons : le Corps du Christ. C’est la communion spirituelle que nous avons développé en la période de confinement, n’est-ce pas : privés du corps eucharistique, mais toujours Corps « mystique » du Christ.

Amen

Vénuste

 

DIMANCHE 4 JUIN 2023                                                    SAINTE TRINITE

Homélie de Gilles

PREMIÈRE LECTURE

Lecture du livre de l’Exode (Ex 34, 4b-6.8-9)

En ces jours-là,
Moïse se leva de bon matin, et il gravit la montagne du Sinaï
comme le Seigneur le lui avait ordonné.
Il emportait les deux tables de pierre.
Le Seigneur descendit dans la nuée
et vint se placer là, auprès de Moïse.
Il proclama son nom qui est : LE SEIGNEUR.
Il passa devant Moïse et proclama :
« LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR,
Dieu tendre et miséricordieux,
lent à la colère, plein d’amour et de vérité. »
Aussitôt Moïse s’inclina jusqu’à terre et se prosterna.
Il dit : « S’il est vrai, mon Seigneur, que j’ai trouvé grâce à tes yeux,
daigne marcher au milieu de nous.
Oui, c’est un peuple à la nuque raide ;
mais tu pardonneras nos fautes et nos péchés,
et tu feras de nous ton héritage. »

DEUXIÈME LECTURE

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (2 Co 13, 11-13)

Frères,
soyez dans la joie,
cherchez la perfection, encouragez-vous,
soyez d’accord entre vous, vivez en paix,
et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous.
Saluez-vous les uns les autres
par un baiser de paix.
Tous les fidèles vous saluent.

Que la grâce du Seigneur Jésus Christ,
l’amour de Dieu
et la communion du Saint-Esprit
soient avec vous tous.

ÉVANGILE

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 3, 16-18)

Dieu a tellement aimé le monde
qu’il a donné son Fils unique,
afin que quiconque croit en lui ne se perde pas,
mais obtienne la vie éternelle. 

Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde,
non pas pour juger le monde,
mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement ;
celui qui ne croit pas est déjà jugé,
du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

HOMELIE

En cette fête de la Sainte Trinité, la liturgie de la Parole nous donne à écouter des textes qui nous aident à penser Dieu, non pas seul et isolé dans son ciel, mais en lien et en communion avec de l’autre que lui. La Trinité est une manière de dire que Dieu n’est pas isolé, mais qu’il se réjouit d’être en lien avec Jésus, le Fils et avec tous les hommes, ses fils, et ce, grâce au souffle de Vie qui assure la communion entre Dieu et tous les vivants. Voilà Celui que nous fêtons aujourd’hui : Celui qui est à l’origine de la Vie, une vie qui ne cesse de circuler dans le monde des vivants et qui maintient tout en communion.

Dans la 1ere lecture, Moïse est aux prises avec son peuple qui vient de rompre l’alliance avec Dieu en se fabriquant un veau d’or ! Il n’en peut plus, il est pris entre un peuple à la nuque raide et son sentiment très fort que tout cela déplait à Dieu. Dans un moment de prière, il va avoir cette intuition géniale de demander à Dieu de redire qui il est, car pour lui, l’épisode du veau d’or a eu lieu parce que le peuple ne connait pas encore bien Dieu, le jugeant trop distant, trop discret. Dieu va alors répondre à la prière de Moïse dans le passage que nous avons entendu : « (je suis) LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité ». Le texte omet bizarrement le verset 7 qui ajoute : « (un Dieu) qui garde sa fidélité jusqu’à la millième génération, qui supporte faute, transgression et péché, mais ne laisse rien passer, car il punit la faute des pères sur les fils et les petits-fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération. » Ne voyez pas un Dieu rancunier dans ces mots, bien au contraire, c’est un Dieu qui supporte la faute des hommes mais ne laisse pas passer ce qui le blesse, le défigure, il agit jusqu’à la 4ème génération pour nettoyer notre lignée du mal qu’elle porte afin de nous rendre libre. Voila qui est le Dieu qui accompagne son peuple dans le désert et qui ne manquera pas à sa promesse de le guider jusqu’en terre promise, malgré les infidélités de son peuple.

Fort de ce nouveau dévoilement de Dieu, le peuple va pouvoir refaire alliance et redonner sa confiance en un Dieu qui est lent à la colère, plein d’amour et de vérité ! Moïse comme le peuple avait besoin de réentendre au cœur de son cœur qui est le Dieu auquel il croit. Et vous, pourriez-vous dire qui est le Dieu auquel vous croyez ? Durant le temps de silence après cette homélie, essayez de vous dire qui est Dieu pour vous… Et faites-le en écoutant votre cœur et non votre tête.

La seconde lecture se termine par une très belle bénédiction trinitaire que nous pouvons accueillir pour nous-même en cette fête de la Sainte Trinité : « Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous ». Ça fait du bien de recevoir de telles paroles, non ? Remarquez que dans cette formulation St Paul attribue la grâce à Jésus, l’Amour à Dieu et la communion à l’Esprit-Saint. Comme si ces trois fonctions étaient le propre de Celui qui est à l’origine de tout : il fait grâce, il nous aime et il favorise la communion entre Lui et le monde des vivants.

C’est ce Dieu-là que Jésus tente de révéler à Nicodème dans l’Evangile de ce jour : il vient de l’inviter à renaitre d’en haut, en se laissant transformer par le Souffle de Vie, (l’Esprit-Saint) lui précisant au passage que personne ne sait d’où il vient ni où il va, histoire de l’encourager à se laisser faire et à lâcher sa tendance à vouloir tout maitriser et tout comprendre. Puis, dans le passage que nous avons entendu, il lui parle d’un Dieu qui aime ce monde, qui ne veut qu’aucun de ses enfants se perde, mais que tous obtiennent la vie éternelle. Pour se faire, il confie à Jésus la mission de nous montrer le chemin : car il est venu « non pas pour juger le monde mais pour le sauver » : que veut-il dire par là ? Comment comprendre ce jugement ? C’est là que les 3 versets suivants (malheureusement omis par la liturgie) sont importants : « Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »

Le jugement dont parle Jésus n’est en aucun cas une condamnation, mais bien plutôt une mise en lumière de notre vie ! Et ça change tout de savoir cela : si Dieu est lumière, les rayons de cette lumière sont diffusés par l’Esprit et tous ceux qui laissent cette lumière resplendir en eux sont fils et filles de Dieu. Voilà encore une belle image pour parler de la Trinité. La bonne nouvelle c’est que nous pouvons tous être fils et filles de Dieu en accueillant la lumière divine diffusée par l’Esprit. Du coup, la Trinité n’est plus un concept abstrait qui chercherait à définir un Dieu lointain, mais elle devient une expérience de communion avec Dieu dans le Souffle de l’Esprit qui nous donne de devenir fils et filles de Dieu. Ainsi la Trinité devient un mode d’être, une façon de vivre en communion avec tout le vivant, dans la lumière de la vérité, avec soi-même, avec Dieu et avec les autres vivants.

Alors bonne fête de la Trinité à vous tous !

(et n’oubliez pas dans ces quelques minutes de silence, de vous dire comment vous nommez ce Dieu trinitaire en vous )


 

Gilles Brocard

 

DIMANCHE 28 MAI 2023                                                    PENTECÔTE

Homélie de Vénuste

 L'hôte intérieur 

Actes 2, 1-11 : la Pentecôte, l’Esprit qui descend sur les Apôtres à Jérusalem. Luc raconte l’événement en référence à la descente de Yahvé au Sinaï quand il conclut l’Alliance avec les Hébreux pour en faire « son » peuple à qui il donna sa Loi. A la Pentecôte, le nouveau peuple de Dieu reçoit l’Esprit. L’énumération des nations présentes signifie l’universalité : l’Esprit crée l’unité, la langue du cœur permet à tous de se comprendre.

1 Corinthiens 12, 3… 13 : l’image très parlante du corps pour signifier l’unité et la communion dans le Christ et dans l’Esprit en vue du bien-être de tout l’ensemble. Le principe vital dans l’organisme est le souffle, qui se dit, en hébreu, par le même mot (« ruah ») que l’Esprit. Chaque baptisé participe à l’intimité trinitaire et à la communion fraternelle.

Jean 20, 19-23 : le Souffle divin, l’Esprit de Jésus-Christ, vient ranimer le corps mort des disciples : morts de peur, ils avaient fait de leur refuge un tombeau en se claquemurant dedans. L’effet est immédiat, le Souffle créateur les fait sortir pour répandre à leur tour ce souffle reçu, si puissant qu’il est venu jusqu’à nous, plus de 2000 ans après. Le pardon est le don pascal par excellence.

Pentecôte - du grec : pentecostè, cinquante - le cinquantième jour après Pâques, était, chez les Juifs, avec la Pâque et la fête des Tentes, une des trois grandes fêtes de pèlerinage. Une fête de la récolte du blé, devenue plus tard commémoration de l’Alliance du Sinaï. Car au départ c’était la fête de la moisson : on offrait les prémices de la récolte au Dieu qui donne semences, soleil, pluies et tout ce qui favorise la fécondité de la terre nourricière. C’était la fête de l’abondance et elle se célébrait 50 jours après la Pâque juive (50 étant le chiffre du jubilé : 7 x 7= 49 + 1 ; donc c’est la première année d’un nouveau cycle, comme il y a un lendemain du sabbat qui lance une nouvelle semaine ; c’est donc comme une nouvelle création, une nouvelle humanité). Et si Pâques célèbre la sortie de l’Egypte, on en vint à donner à cette fête de Pentecôte le sens de la commémoration du don de la loi sur le Sinaï, quand Dieu fit de ces fuyards un peuple, son peuple, à qui il donna la loi (une constitution pour une nation qui prend naissance).

Certains éléments de la fête juive ont été retenus par la liturgie chrétienne ; ainsi le thème de l’Alliance. Pâques et Pentecôte n’avaient pas de rapport direct dans le culte juif, la liturgie chrétienne les a unies. Pendant les premiers siècles, on n’a jamais considéré le jour de la Pentecôte comme une fête à part, mais comme le dernier jour de la grande fête de Pâques, un grand dimanche qui dure 50 jours. Plus tard, la Pentecôte se détacha du cycle pascal pour constituer un cycle particulier de huit jours, en imitation de l’octave de Pâques dont elle avait repris certains traits.

Nous avons lu deux récits de la descente du Saint Esprit sur les apôtres. Les deux auteurs ne placent pas l’événement le même jour, parce que chacun a un message particulier à donner. St Jean place le don de l’Esprit aux apôtres le jour même de la résurrection : pour lui, Pâques et Pentecôte sont très liées, le Christ a d’abord rendu l’Esprit au Père sur la croix pour le donner ensuite à ses disciples. St Luc s’attache à montrer que l’Esprit est le don promis déjà dans l’A.T., la Pentecôte est ainsi l’accomplissement en plénitude de ce que Dieu avait déjà donné à travers Moïse.

Si l'Esprit Saint descend sur l'Eglise précisément le jour où Israël célèbre la fête de la loi et de l'alliance, (selon le récit de Luc), c'est pour indiquer que l'Esprit Saint est la loi nouvelle, la loi spirituelle qui scelle l'alliance nouvelle et éternelle. Une loi inscrite non plus sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, que sont les coeurs des hommes. Luc raconte l’événement à la manière de toutes les « théophanies » (manifestations) de Dieu, surtout celle du Sinaï où Dieu vint, accompagné de signes éclatants comme de grands bruits, de grands vents, des éclairs et le feu du ciel. Ce sont ces signes que Luc rapporte et qui contrastent avec le simple fait rapporté par Jean qui consista simplement à souffler sur les disciples (comme quand le Créateur souffla dans les narines d’Adam pour qu’il vive : la Pentecôte est une nouvelle création). Luc veut souligner que la Pentecôte, c’est la naissance du nouveau peuple de Dieu, l’Eglise, qui reçoit, non pas une loi inscrite sur la pierre, mais l’Esprit de Dieu lui-même qui vient habiter désormais les cœurs (« inhabitation » : le chrétien est « habité » par l’Esprit Saint).

D’ordinaire, quand une grande personnalité meurt, on s’arrache les objets qui lui ont appartenu pour en faire des souvenirs. Pour les saints, on en fait des reliques, qui deviennent facilement des objets fétiches avec un pouvoir extraordinaire qui opère des miracles et des guérisons. Jésus n’a pas voulu de ce fétichisme. Il n’a pas voulu de mausolée, il n’a pas voulu qu’on lui dédie un musée où on aurait précieusement et religieusement conservé des trucs momifiés. Il n’a même pas écrit de livre ; la seule fois où il a écrit quelque chose, c’était sur le sable et le vent a tout balayé (l’épisode de la femme adultère). Ainsi donc même sa parole a été dépendante du témoignage des disciples, donc sujette à la défaillance de la mémoire, de l'oubli, car ce ne fut que tard qu’on s’est mis à la mettre par écrit dans les évangiles quand la tradition orale commençait déjà à déformer le témoignage des apôtres. Jésus n’a pas voulu quelque chose de figé. Il a voulu une Eglise, une communauté d’amour. Il a voulu de la vie, du dynamisme. C’est pour cela qu’au lieu de laisser à ses disciples, des livres à faire recopier, des objets religieux à vénérer, il leur a laissé l’Esprit Saint, l’Esprit de vie, d’amour, d’unité, de force, de sagesse, de joie. Il leur a laissé un hôte intérieur, un ami, un guide précieux, un « Paraclet ». Il leur a donné, à travers l’Esprit Saint, une vie à vivre… ensemble (à remarquer la fréquence des mots « tous » et « chacun » dans la 1ère lecture).

Lisez le livre des Actes des Apôtres pour voir combien l’Esprit Saint est vraiment le « Paraclet », c.à.d. celui qu’on appelle à l’aide, qui prête assistance pour les grandes et les petites choses. L’apôtre (le missionnaire) se sent « poussé » par l’Esprit, « porté » par lui, animé, inspiré, guidé. Il n’y a pas une prière qui ne soit une prière de l’Esprit, car nous ne savons pas prier, c’est l’Esprit qui nous vient en aide. L’apôtre ne prêche pas sans que ce soit dans l’Esprit, car nul ne peut dire « le Christ est Seigneur », si ce n’est par l’Esprit. Il n’y a pas une réunion qui se fait sinon dans l’Esprit, car depuis l’Ascension, c’est lui qui est le chef de la communauté Eglise. Le chrétien, comme l’Eglise entière, vit de l’Esprit. La Pentecôte est l’acte de naissance de l’Eglise et le coup d’envoi de la vie missionnaire : tout baptisé devient apôtre.

On pourrait parler de la prière. Toute prière chrétienne devrait se faire au Père, par le Fils dans l’Esprit. Est-ce le cas ? Oui, pour les prières liturgiques, parce qu’elles ont été composées sur ce schéma. Mais nos prières personnelles, nos dévotions pieuses, nos pèlerinages et neuvaines, nos rogations et autres chapelets ou chemins de croix… avouons quand même que l’Esprit Saint y est le grand inconnu (j’ai failli dire le grand absent, ce qui n’est pas vrai : il est là même si on fait semblant de l’ignorer).

On pourrait parler du témoignage dans le monde. Seul l’Esprit nous aide à avoir l’audace, le discernement, l’endurance, l’assurance. Au Cénacle, les apôtres étaient enfermés dans la peur. Quand l’Esprit descend sur eux, les verrous de la peur sautent et leur crainte se change en joie. Ils sortent aussitôt, ils vont au-devant du monde dont ils n’ont plus peur. Leur silence devient parole. Ils sont compris par toutes les langues : il n’y a plus de barrières linguistiques, les langues de feu font place aux langues parlées, à la langue de l’amour. Ce ne sont pas seulement les apôtres à être libérés de la peur et à recevoir la mission de porter la Bonne Nouvelle de la libération, non plus uniquement les fils d’Abraham, mais tous les peuples, de toute langue, de toute race, de toute culture… Nous de même, devons sortir (le Pape François y insiste, lui qui exhorte à sortir vers la « périphérie »), ne pas rester frileux entre nous dans nos chapelles. Il faut sortir vers le monde, il faut partir semer, propager, partager. Il faut faire sauter tous les verrous pour que rien ne puisse étouffer la foi en Jésus Christ Ressuscité. Il faut laisser agir l’Esprit, ce qui est tout autre chose que passivité, indolence et médiocrité. Car l’Esprit est très exigeant : il exige de notre part, de nous tous, zèle, audace, docilité, endurance… et prière (ce qu’on oublie souverainement). Oui, la prière prépare les cœurs à recevoir l’Esprit ; les apôtres y ont mis cinquante jours. Prier, c’est reconnaître qu’on ne compte pas uniquement sur ses propres ressources humaines, qu’on compte sur la force d’En Haut. L’Esprit ne peut arriver à l’improviste : il nous faut, à certains moments, nous retirer et fermer la porte de la chambre haute de notre âme.

A la Pentecôte, nous prenons conscience de la mission de l’Eglise qui est née ce jour-là. L’Eglise, ce n’est pas uniquement le pape, les évêques, les prêtres. L’Eglise, c’est tout baptisé confirmé parce qu’il a reçu l’Esprit, celui-ci n’est pas réservé à une élite. On ne reçoit pas l’Esprit Saint uniquement pour la sainteté personnelle : la petite communauté des apôtres en prière a été investie par une présence, une force qui a transformé leur crainte en audace et les a précipités dehors pour annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations. Que le même Esprit nous bouscule, qu’il secoue nos routines, qu’il balaye nos peurs et nos timidités, qu’il brise cette volonté ou tendance que nous avons de nous replier sur nous-mêmes, qu’il nous pousse au large, qu’il fasse de nous des annonceurs de l’Evangile, d’infatigables témoins.

N’avons-nous pas perdu cette flamme, cet enthousiasme ? Pourquoi sommes-nous timorés comme si l’Esprit Saint n’était plus à l’œuvre à travers nous ? Est-ce encore un Paraclet à qui nous faisons appel pour la mission dans notre monde et pour notre propre sanctification ? Remettons-nous à le prier : il est Dieu, ne l’oublions pas, toute bonne prière est inspirée par lui qui « sonde les reins et les cœurs ». Demandons-lui d’écarter tout obstacle, demandons-lui le courage de dépasser nos limites, demandons-lui un amour fort aux dimensions du monde entier vers lequel il nous envoie.

Amen

Vénuste

 

DIMANCHE 21 MAI 2023                                                    

Homélie de Vénuste

 Un coucou à Dieu !

Actes 1, 12-14 : nous avons décrite ici la communauté chrétienne initiale. L'auteur nous donne les noms des Onze et mentionne (fait rare à cette époque) la présence des femmes dont « Marie, mère de Jésus ». La communauté est très unie, « d'un seul cœur » ; elle a comme principale occupation la prière.

1 Pierre 4, 13-16 : l'auteur parle encore des persécutions qui accablent les fidèles du Christ. Leur seul réconfort, c'est l'espérance chrétienne que l'Esprit Saint soutient dans le cœur des croyants, par la communion au Christ.

Jean 17, 1-11 : le discours d'adieux devient prière. Nous avons ici un extrait de « la prière sacerdotale » : Jésus ne fait pas seulement des recommandations à ses disciples, il prie pour eux, comme saisi d'angoisse pour eux au moment où il va les quitter pour retrouver la gloire qu'il avait auprès du Père avant le commencement du monde. Son œuvre a glorifié le Père auprès des siens, puisqu'il leur a donné la vie, car la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant.

Il s'agit de prière dans les lectures de ce dimanche. Bonne coïncidence, car nous sommes dans la neuvaine qui prépare la Pentecôte : ce sont les 9 jours qui séparent l'Ascension de la Pentecôte qui ont donné origine à ce terme « neuvaine ». Il est dit dans la première lecture que les apôtres avaient pratiquement la prière comme première occupation (à côté du ministère de la Parole). Dans l'évangile, c'est le Christ qui prie intensément : après les recommandations qu'il vient de donner à ses amis, comme saisi d'angoisse pour eux au moment où il va les quitter, il prie pour eux. Si nous voulons savoir prier (et comment prier pour les autres, pour l'Eglise), mettons-nous à l'école du Maître, allons souvent lire ce chapitre 17 de St Jean : ce qu’on a appelé « la prière sacerdotale » de Jésus car le Prêtre « sacerdos » Jésus prie pour les siens.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, Jésus priait. Qu’est-ce qu’il disait dans sa prière ? On se le demande. Car nous, quand nous prions, c’est pour demander, pour supplier ; nous prions parce que nous avons besoin de Dieu, de son secours, de sa force, de son intervention quand nous n’y pouvons plus rien, quand aucun humain ne nous est d’aucun secours ; nous prions parce que nous avons des doléances… De quoi Jésus avait-il besoin pour se recommander à son Père, puisqu’il est lui-même Dieu ? Concentrons-nous sur ce texte de ce dimanche, parce qu’il y a une autre page où Jésus a enseigné le Notre Père, quand les disciples, le voyant aller souvent prier et passer des nuits en prière, lui ont demandé comment prier.

La prière de Jésus est plus une prière d’action de grâces qu’une prière de demande. Il sait qu’il se conforme à la volonté du Père, il sait qu’il a été dans la ligne du dessein du Père. Il remercie le Père de ce que « l’heure » approche où tout sera accompli : mission accomplie à la perfection. L’heure de la passion est l’heure de l’exaltation. Que ta volonté soit faite ! Ce fut la prière de Jésus, ce fut la prière de Marie. Une prière qui colle à la vie. Telle doit être notre prière aussi.

Jésus leva les yeux au ciel et pria. Cette attitude corporelle de Jésus a dû frapper son entourage parce qu'elle est rapportée à plusieurs moments : avant la multiplication des pains, avant la guérison du sourd-muet, avant la résurrection de Lazare, lors du dernier repas de la Cène avant d'instituer l'Eucharistie. Lever les yeux au ciel, c'est tourner toute sa personne vers Dieu pour entrer en communication, en dialogue avec lui. Les Pères de l'Eglise aimaient souligner le fait que le Créateur a voulu l'homme debout, car si l'homme était contraint de ramper ou était resté à quatre pattes comme les animaux, il lui aurait été impossible de lever la tête (les yeux) vers Dieu. C’est pourquoi nous ne pouvons pas garder les yeux rivés sur les choses de la terre ; levons la tête de temps en temps, fréquemment plutôt ... dans la prière. Nous commençons la prière eucharistique (avec la préface) par l'invitation du prêtre : « Elevons notre cœur » ; et la réponse de l'assemblée : « Nous le tournons vers le Seigneur ». Elever le cœur, comme lever les yeux, c'est nous tourner complètement vers Dieu.

Que demande Jésus dans sa prière ? Il peut paraître étonnant que le Fils demande la gloire. Il est bien entendu qu'il ne s'agit pas de la vaine gloire (le bling bling) des stars de cinéma, ni celles des hommes politiques, ni celle dont rêvent les jeunes de la Star'Ac ou des stades olympiques. Celle-ci est trop éphémère et aléatoire : « sit transit gloria mundi » (ainsi s'évanouit la gloire du monde) ; cette gloire-là ne fait pas le poids (le terme gloire en hébreu, kabôd, signifie le poids, ce qui fait le poids ; elle est un attribut exclusif de Dieu, le Dieu de gloire). La gloire de Jésus, c'est celle qu'il avait auprès du Père avant le commencement du monde. Il n'en a pas besoin : elle fait partie de sa nature divine. C’est pour les siens qu'il la demande. La gloire qu'il demande, c'est ce qui l'accrédite auprès des foules comme l'Envoyé du Père, c'est un signe éclatant comme la gloire, un signe plus grand que les miracles accomplis jusque là, un signe plus grand que la résurrection de Lazare. La gloire de Dieu et du Christ, c'est la victoire sur la mort. « La gloire de Dieu, disait St Irénée de Lyon (le premier primat des Gaules), c'est l'homme vivant ». Paradoxalement la gloire de Dieu va se manifester sur la croix, cet instrument de honte, d'échec, d'abandon, d'humiliation, va devenir l'instrument de victoire, d'intronisation et de glorification : sur la croix glorieuse, la vie et l'amour sont plus forts que la mort. C’est le Crucifié du Vendredi Saint qui donne la vie en abondance, la vie éternelle, la vie même de Dieu. L'heure de la mort de Jésus sonne l'heure de sa glorification (le mystère de l'Heure en St Jean mentionné à différents moments comme à Cana, mais en disant qu'elle n'est pas encore venue, tandis que c’est dans le seul passage lu aujourd'hui, qu’il est dit qu’elle est là). En fait, Jésus demande sa résurrection. Ainsi transformé, il pourra donner la vie éternelle aux siens. Ainsi en demandant à son Père : « Glorifie ton Fils pour que ton Fils te glorifie », Jésus ne demande pas autre chose que : donne-moi la force d'aller jusqu'au bout. Donne-moi la force de témoigner de ta tendresse, quoiqu’il puisse m’en coûter. Car, il le sait que l’heure de la mort est arrivée. Pour nous aimer, Dieu n'a absolument aucun besoin que Jésus meure. C'est nous qui, voyant Jésus se donner tout entier, sommes mis sur le chemin de reconnaitre et croire que l'amour de notre Père du ciel n'a pas de limites. Ou, comme dit Jésus, nous sommes mis sur le chemin de « connaître » le Père. « Ayant aimé les siens, il les aima jusqu’au bout »… jusqu’à la croix, jusqu’à donner sa vie, pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. Tel est notre Dieu.

Dans sa prière, Jésus prie aussi pour les siens. Il ne s'agit pas seulement du groupe qui prenait le dernier repas avec lui, il ne s'agit pas uniquement de ceux qui l'ont écouté au temps où il parcourait la Palestine. Il prie le Père pour « tous ceux que tu m'as donnés ». Tous les disciples certainement, ceux d'hier, ceux d'aujourd'hui, ceux de demain, ceux de toujours. Mais est-ce qu'il y a exclusive ? Le Christ a versé son sang pour la multitude, expression qu'on comprend comme désignant la totalité, l'intégralité du genre humain : tous les enfants de Dieu. La prière du Vendredi Saint (et toutes les prières « universelles ») l'a compris, elle qui énumère toutes les catégories humaines.

Voilà donc ce que doit être notre prière, à l’exemple de celle de Jésus. En fait la prière à Dieu est le reflet de notre relation avec lui. Si nous voyons Dieu comme un patron, comme le médecin de famille, comme l'avocat qui plaide pour nos intérêts, alors, nous prions à la manière où nous allons sonner au bureau du patron, au cabinet du médecin ou au greffe. Nous y allons le moins souvent possible, « pour ne pas trop déranger », n’est-ce pas, ou en extrême urgence. Nous y allons après avoir bien tourné la langue plusieurs fois dans la bouche pour n’employer que les mots justes, les mots qui entraînent la persuasion, les mots pathétiques qui captent la bienveillance et la pitié. Nos prières seront des vraies plaidoiries. On a le mot « magique » qui va attendrir Dieu et forcer son intervention. C’est d’ailleurs pour cela que nous utilisons des prières imprimées ou apprises par cœur : elles ont déjà fait leur preuve quelque part, surtout si elles ont l’approbation ecclésiastique ! C’est magique, croyons-nous. Mais au contraire si l’on prend Dieu comme son ami, comme son Père, non seulement on va vers lui quand on veut, mais on se plait à être chez lui, à demeurer avec lui. Comme dans les familles où les relations sont excellentes : jamais un jour sans passer se voir, et même si on n’y va pas, on fait le coup de téléphone, un sms, un mail… la prière c’est faire un coucou à Dieu. Et quand on se voit, quand on se parle, on ne se presse pas pour repartir, on ne cherche pas les mots, c’est le cœur qui parle (et pas la tête avec des mots mémorisés inventés par d’autres), ça coule de source et on ne rabâche pas les mêmes mots, les mêmes refrains ! Imaginez un peu si chaque fois qu’on va chez son papa, ce soient les mêmes mots qu’on répète à la sauvette, les mêmes mots lus sur une feuille imprimée !

Prions à la manière de Jésus lui-même, prière qu'il a offerte la veille de sa mort comme nous venons de l'entendre ; cette même prière, il continue de l'offrir maintenant qu'il est à la droite du Père où il continue à intercéder pour nous. Unissons-nous à la prière des disciples dans la chambre haute où ils attendaient l'Esprit promis, avec Marie que nous invoquons et avons invoquée spécialement pendant ce mois de mai, le mois de Marie. Entrons et demeurons dans le cénacle de notre cœur où nous allons accueillir le don du Père, l'Esprit Saint dont nous avons besoin pour savoir aimer Dieu, le prier, l'écouter et lui rendre témoignage en puissance et force (pas timidement) dans notre monde. Soyons une Eglise qui prie, soyons des priants surtout cette (semaine) neuvaine, matin et soir, pour nous ouvrir aux dons de l'Esprit Saint, en vue de la mission, mission qui commence par la prière – universelle - et l’unité.

Notre prière va spécialement à l'intention des jeunes qui font leur première communion, leur profession de foi ou reçoivent le sacrement de confirmation : que l'Esprit Saint descende sur eux en abondance, eux qui sont l'Eglise de demain, qu'ils en soient les témoins zélés et audacieux.

Amen

Vénuste

 

DIMANCHE 14 MAI 2023                                                    

Homélie de Vénuste

 Amour urgence !

Actes 8, 5-17 : l'Eglise continue la mission du Christ avec la même autorité dans l'enseignement, la même puissance dans les miracles, à travers par exemple le diacre Philippe ; mais ce sont les Apôtres qui donnent l'Esprit Saint par le rite de l'imposition des mains. Même la Samarie (que Jérusalem traitait d’hérétique et d’impure) accueille la Bonne Nouvelle : la promesse du Christ continue à se réaliser.

1 Pierre 3, 15-18 : les convertis se sont attirés des vexations et des persécutions. Pierre les exhorte à tenir bon, dans une attitude de non-violence, avec le soutien du Christ ; que dans un environnement hostile, ils sachent rendre compte de l'espérance qui les habite. Comme le Christ, « lui, le juste » : « souffrir pour avoir fait le bien… plutôt que pour avoir fait le mal ».

Jean 14, 15-21 : discours d'adieux. Paroles explicites sur la Trinité. Jésus parle de son Père et de l'Esprit Saint (le Défenseur). Le disciple entre dans l'amour trinitaire s'il garde fidèlement les commandements : alors il « demeure » et il « connaît ». « Vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. »

Après les récits qui nous relataient les apparitions du Ressuscité, en attendant de célébrer son retour à la droite du Père, les évangiles de ces derniers dimanches de Pâques nous font méditer le discours d’adieux. Jésus prend congé de ses disciples, il leur transmet ses dernières recommandations, il leur dispense l’essentiel de son enseignement, il leur révèle le fond de son cœur et il leur parle de la maison du Père ainsi que de la relation qui l’unit au Père. Exactement comme quand quelqu’un qui va mourir fait son testament. Le texte de ce dimanche est parmi les plus explicites sur la Trinité où sont nommés sans équivoque les trois Personnes de la Trinité : le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Jésus promet deux choses : son retour et l’envoi d’un « autre » Défenseur. Mais il nous assure que d’ores et déjà celui qui reste fidèle aux commandements est entré dans l’amour trinitaire.

On nous a habitués à « servir » Dieu, à « croire » en Dieu, très peu à « aimer » Dieu. Or l’évangile d’aujourd’hui parle de l’amour de Dieu pour nous - qui est une réalité, et Dieu est fidèle - et de notre amour pour Dieu, nous qui ne sommes pas toujours fidèles. Après avoir demandé qu’on croie en lui, Jésus demande qu’on l’aime. Amour toujours lié à obéissance : garder fidèlement ses paroles, aimer pour pouvoir rester fidèle. Amour et fidélité sont interchangeables. Amour sur commande, non ! amour urgence oui ! C’est ainsi qu’on peut parler de commandement. Il faut le vouloir très fortement.

Si vous m’aimez… celui qui garde fidèlement mes commandements… ! Je ne sais pas s’il faut y voir une condition plutôt qu’une constatation (encore moins un doute : Jésus ne doute pas de l’amour de ses disciples, même s’il y aura la défection de Pierre et de Judas). Comme si Dieu attendait d’être aimé pour aimer à son tour : c’est lui qui nous a aimés le premier et « son amour est de toujours à toujours ». S’il devait attendre que nous l’aimions, il attendrait longtemps ! Son amour est premier, c’est lui qui prend l’initiative de nous faire partenaires. Il a même prouvé son amour : il a envoyé son Fils nous parler de son amour, nous dire qu’il est amour jusqu’au bout, jusqu’à la croix ; il a envoyé le Défenseur, le Paraclet, pour que nous ne soyons pas orphelins suite au retour du Fils à la maison (à la droite) du Père.

Celui qui m’aime sera aimé de mon Père, moi aussi je l’aimerai. Encore une fois, je ne crois pas que ce soit une condition. Je crois que c’est pour nous dire que cette relation d’amour a commencé, on peut en constater la réalité et l’intensité. « Vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. » Le Christ a établi le pont qui nous relie au Père par lui, il nous a réconciliés. Désormais nous sommes établis dans la relation trinitaire. Le Christ le dit aussi de Celui que nous appelons la troisième Personne de la Trinité : il est là, il nous habite (l’inhabitation), il demeure pour toujours avec nous. Jésus a prié le Père pour que l’Esprit nous soit donné et il a obtenu qu’il soit avec nous.

Comprenons bien que Jésus ne retire pas sa présence à ses amis ni à ceux qui vont croire en leur témoignage. Il a promis d’être avec eux jusqu’à la fin des temps. Mais la présence n’est plus la même, la présence n’est plus visible, ce qui la limitait dans le temps et dans l’espace (un corps physique ne peut pas avoir l’ubiquité). Il fallait une présence qui puisse se démultiplier et être forte partout à la fois. Une présence pour être forte, une présence pour être réelle, elle ne doit pas être visible. Ce sera désormais une présence au-dedans de chacun. Difficile à dire, difficile à décrire ou à qualifier, mais celui qu’elle habite le sent très fortement, et ceux qui le voient vivre, ceux qui l’entendent témoigner, ceux qui voient ce que cette présence lui fait faire, eh bien, ils ne peuvent en douter. Cette « inhabitation » est l’Esprit Saint, lui qui habite au plus profond, au plus intime de la personne. C’est une présence qui « transpire » l’amour, la force, la joie, la sainteté. Jésus affirme que le monde ne connaît pas l’E.S. : une façon de nous faire comprendre que nous sommes envoyés en mission pour le faire connaître au monde.

Jésus affirme par contre que l’E.S., nous, nous le connaissons. Est-ce que vraiment nous connaissons cet « Hôte intérieur » ? On dit que l’E.S. est méconnu et même inconnu des chrétiens. Grand paradoxe, alors qu’il nous habite, qu’il nous conduit, que nous ne pouvons pas prier sans qu’il prie en nous, sans qu’il nous inspire ! Nous connaissons le Christ, son enseignement des évangiles, ses sacrements, son Eglise… Nous connaissons le Père, tellement d’ailleurs que dans notre façon de parler, c’est lui LE Dieu (comme si les deux autres Personnes divines, ce n’était que par analogie). Mais l’E.S., quand est-ce que nous en parlons, quand est-ce que nous l’invoquons ? Oui, quand nous parlons de la Pentecôte : comme si la descente de l’E.S. était un privilège exclusif des apôtres et qu’après eux, il aurait disparu de la circulation. On en parle encore, mais furtivement, lors des confirmations : on ne sait d’ailleurs plus ce que sont ses sept dons ! La confirmation, dont beaucoup de jeunes se passent bien ! Et pourtant dans la 1ère lecture, nous voyons qu’il ne suffit pas d’avoir été baptisé dans l’eau : les apôtres imposent les mains et prient pour que ceux de Samarie qui avaient reçu le baptême d’eau, reçoivent aussi l’Esprit (comme quoi séparer le baptême et la confirmation pour les donner en 2 temps, ce n’est pas contre la pratique du temps des apôtres). Il y a bien aussi quelques « épiclèses » (mot qui signifie littéralement appeler l’Esprit sur) lors des impositions des mains et lors de la consécration : c’est l’Esprit qui sanctifie, qui, de l’intérieur, opère la sanctification.

Comment l’Eglise s’est-elle déconnectée de l’Esprit ? Peut-être parce que nous sommes trop raison, au lieu d’être cœur. Notre christianisme est devenu un système d’idées, de doctrine, de dogmes, ce n’est pas toujours la vie. Nous voulons examiner le christianisme en face de nous, pas en nous comme une dynamique qui nous fait vivre. Le Christ, connaissant nos limites, nos doutes… n’a pas voulu nous laisser orphelins, c’est pour cela qu’il nous a donné l’Esprit Saint, il a prié le Père pour nous donner l’Esprit. La primitive Eglise en tenait compte, nous nous en sommes émancipés. Si notre christianisme aujourd’hui n’a plus de mordant, ne porte pas les fruits qui étonnent le monde, c’est peut-être parce que l’Esprit n’est plus à l’honneur, surtout dans l’Eglise catholique où on parle des saints et du pape plus que de l’Esprit Saint. Est-ce qu’il n’est pas grand temps pour les chrétiens d’aujourd’hui de « retrouver », de redécouvrir l’E.S. et son rôle ( ?) dans l’Eglise universelle comme dans le cœur de chaque chrétien ? Nous avons besoin de lui comme Défenseur dans notre monde où nous devons « rendre compte de l’espérance qui est en nous », selon l’expression de St Pierre. Car nous sommes dans l’arène contre ce que St Jean appelle « le monde », ce que nous pouvons appeler, nous, l’esprit du monde, par opposition à l’esprit d’amour. Et c’est pour cela que nous avons besoin d’un « Défenseur ». Le terme signifie « l’avocat », celui qui prend toujours notre défense, qui prend notre parti, qui se met de notre côté. Pour autant que ce soit le parti de la vérité, car il est l’Esprit de vérité. C’est le parti de Dieu, Dieu que le monde met toujours en procès, procès qui a culminé le Vendredi Saint mais qui se continue dans ses fidèles et disciples. L’Esprit est la force qui a « justifié » Jésus en le ressuscitant. De même pour les disciples, l’Esprit est la force qui les soutient dans leur témoignage au procès du monde hostile, témoignage qui peut aller, comme le dit le mot dans son sens étymologique, jusqu’au martyre. Etre témoin, c’est afficher son identité et donc sa différence, or le monde n’aime pas ceux qui sont vrais (esprit de vérité) jusqu’à se montrer différents. Le Paraclet nous donne l’audace de la vérité et de la différence. L’audace de la cohérence aussi : il nous garde des faux-pas pour une conduite conforme à la Parole reçue, méditée, crue, célébrée, vécue.

Nous avons difficile à nous laisser porter, inspirer, par l’Esprit Saint. Comment sera-t-il le Défenseur si on persiste à l’ignorer ? Pendant ces jours autour de la Pentecôte, faisons une bonne neuvaine à l’Esprit Saint. Faisons l’expérience de prier en nous laissant inspirer par l’E.S., le Maître intérieur. Parlons-lui (la prière, c’est ça) et il nous apprendra à parler au Père : nous ne savons pas prier, disait St Paul qui ajoutait que heureusement l’Esprit vient au secours de notre faiblesse, car il connaît d’une part le cœur de Dieu et d’autre part notre propre cœur, il peut donc faire le lien entre Dieu et l’homme, comme il est le lien d’amour entre le Père et le Fils.

Nous prions pour les jeunes de notre paroisse et ceux de toutes les paroisses du monde entier, qui, pendant ces semaines (nous sommes dans « le mois des communions »), reçoivent le sacrement de l’Eucharistie pour la première fois ou le sacrement de la Confirmation. Prions pour qu’ils demeurent fidèles à l’amour de Dieu. Que l’Esprit Saint qu’ils ont reçu au baptême et qu’ils recevront en plénitude à la confirmation, en fasse des témoins fidèles et zélés, surtout auprès des autres jeunes.

Amen

Vénuste

 

DIMANCHE 7 MAI 2023                                                    

Homélie de Gilles

 Honneur à vous !

PREMIÈRE LECTURE

Lecture du livre des Actes des Apôtres (Ac 6, 1-7)

    En ces jours-là,
comme le nombre des disciples augmentait,
les frères de langue grecque
récriminèrent contre ceux de langue hébraïque,
parce que les veuves de leur groupe étaient désavantagées
dans le service quotidien.
    Les Douze convoquèrent alors l’ensemble des disciples
et leur dirent :
« Il n’est pas bon que nous délaissions la parole de Dieu
pour servir aux tables.
    Cherchez plutôt, frères,
sept d’entre vous,
des hommes qui soient estimés de tous,
remplis d’Esprit Saint et de sagesse,
et nous les établirons dans cette charge.
    En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière
et au service de la Parole. »
    Ces propos plurent à tout le monde,
et l’on choisit :
Étienne, homme rempli de foi et d’Esprit Saint,
Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas
et Nicolas, un converti au judaïsme, originaire d’Antioche.
    On les présenta aux Apôtres,
et après avoir prié, ils leur imposèrent les mains.
    La parole de Dieu était féconde,
le nombre des disciples se multipliait fortement à Jérusalem,
et une grande foule de prêtres juifs
parvenaient à l’obéissance de la foi.
 

DEUXIÈME LECTURE

Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre (1 P 2, 4-9)

Bien-aimés,
    approchez-vous du Seigneur Jésus :
il est la pierre vivante
rejetée par les hommes,
mais choisie et précieuse devant Dieu.
    Vous aussi, comme pierres vivantes,
entrez dans la construction de la demeure spirituelle,
pour devenir le sacerdoce saint
et présenter des sacrifices spirituels,
agréables à Dieu, par Jésus Christ.
    En effet, il y a ceci dans l’Écriture :
Je vais poser en Sion une pierre angulaire,
une pierre choisie, précieuse ;
celui qui met en elle sa foi
ne saurait connaître la honte.
    Ainsi donc, honneur à vous les croyants,
mais, pour ceux qui refusent de croire, il est écrit :
La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle,
    une pierre d’achoppement,
un rocher sur lequel on trébuche.
Ils achoppent, ceux qui refusent d’obéir à la Parole,
et c’est bien ce qui devait leur arriver.
    Mais vous, vous êtes une descendance choisie,
un sacerdoce royal,
une nation sainte,
un peuple destiné au salut,
pour que vous annonciez les merveilles
de celui qui vous a appelés des ténèbres
à son admirable lumière.

ÉVANGILE

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 14, 1-12)

En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
    « Que votre cœur ne soit pas bouleversé :
vous croyez en Dieu,
croyez aussi en moi.
    Dans la maison de mon Père,
il y a de nombreuses demeures ;
sinon, vous aurais-je dit :
‘Je pars vous préparer une place’ ?
    Quand je serai parti vous préparer une place,
je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi,
afin que là où je suis,
vous soyez, vous aussi.
    Pour aller où je vais,
vous savez le chemin. »
    Thomas lui dit :
« Seigneur, nous ne savons pas où tu vas.
Comment pourrions-nous savoir le chemin ? »
    Jésus lui répond :
« Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ;
personne ne va vers le Père sans passer par moi.
    Puisque vous me connaissez,
vous connaîtrez aussi mon Père.
Dès maintenant vous le connaissez,
et vous l’avez vu. »
    Philippe lui dit :
« Seigneur, montre-nous le Père ;
cela nous suffit. »
    Jésus lui répond :
« Il y a si longtemps que je suis avec vous,
et tu ne me connais pas, Philippe !
Celui qui m’a vu
a vu le Père.
Comment peux-tu dire : ‘Montre-nous le Père’ ?
    Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père
et que le Père est en moi !
Les paroles que je vous dis,
je ne les dis pas de moi-même ;
le Père qui demeure en moi
fait ses propres œuvres.
    Croyez-moi :
je suis dans le Père,
et le Père est en moi ;
si vous ne me croyez pas,
croyez du moins à cause des œuvres elles-mêmes.
    Amen, amen, je vous le dis :
celui qui croit en moi
fera les œuvres que je fais.
Il en fera même de plus grandes,
parce que je pars vers le Père »

Homélie

En ce 5ème dimanche de Paques, les textes de la liturgie nous donnent de continuer à approfondir le mystère pascal à travers trois lectures particulièrement riches de sens.

La 1ère lecture tirée des Actes des Apôtres nous donne de voir l’Eglise qui commence à s’organiser pour faire face à l’afflux de nouveaux membres. Les Douze vont alors faire preuve de créativité. Pour bien comprendre leur souci, il faut savoir que le rassemblement des 1ers chrétiens comportait toujours deux temps : un temps où ils faisaient mémoire des Paroles de Jésus et un temps plus social où ils prenaient soin des personnes dans le besoin (notamment des veuves) en leur offrant un repas qu’ils partageaient avec elles. Très vite, cette seconde partie va prendre de plus en plus de place (et de temps), si bien que les apôtres n’ont plus assez de temps pour annoncer la Parole. Ils vont alors innover en créant un nouveau ministère : le service des tables, qui donnera naissance un peu plus tard au ministère diaconal.

On ressent bien l’élan pascal, qui donne aux apôtres la créativité nécessaire pour s’adapter aux besoins de chacun sans perdre de vue l’essentiel de leur mission : annoncer la Parole de Jésus. C’est ce même élan pascal qui est à l’œuvre encore aujourd’hui et auquel nous pouvons faire appel pour inventer de nouvelles façons de faire selon les besoins du monde d’aujourd’hui. Soyons à son écoute et osons inventer.

On retrouve très clairement ce souci de l’annonce de la Parole dans l’épitre de Pierre : « vous êtes une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut, pour que vous annonciez les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. » On ne peut pas mieux résumer la mission des chrétiens : un peuple destiné à annoncer les merveilles de Celui qui nous appelle des ténèbres à sa lumière. Pas mal non ? Alors comme le dit Pierre à sa communauté, je vous le dis aujourd’hui : « honneur à vous les croyants » ! Oui, soyez fiers de faire partie de ce peuple choisi, de cette nation sainte, même quand il arrive de vous sentir rejetés ou incompris, car « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ». Jésus a connu ce rejet, les premiers chrétiens aussi, il n’est donc pas étonnant que ceux qui se réclament de Lui le soient encore aujourd’hui.

Mais nous ne tiendrons solidement que si nous sommes appuyés sur la pierre d’angle qu’est Jésus. En effet, « celui qui met sa foi en Lui ne saurait connaître la honte. » Voilà la clé, le secret de la longévité de l’Eglise au cours des siècles, malgré son imperfection et l’adversité qu’elle a rencontrée : elle a tenu parce qu’elle est bâtie sur le Christ, sur lequel nous pouvons appuyer solidement notre foi.

Mais cet appuiement sur Jésus n’est pas superflu comme semble le penser Philippe dans l’évangile de ce jour : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » Jésus va alors réagir fortement, certainement un peu dépité de l’attitude de Philippe : « Mais Philippe, celui qui me voit, voit le Père … Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ». Si Jésus insiste tant sur le fait de passer par lui pour penser Dieu, c’est qu’il sait que sans lui, on a toutes les chances de nous fabriquer une image faussée de Dieu, une image qui nous arrange bien. Alors qu’avec Lui Jésus, nous apprenons que c’est en étant vraiment humain qu’on est pleinement divin ; que Dieu se dit à hauteur de visage Humain ; que nous n’avons pas à le chercher dans l’au-delà, mais au-dedans de nous ; et que l’amour inconditionnel est son unique mode de relation.

Le passage par Jésus n’est donc pas accessoire et Jésus va insister sur ce point en répondant à Thomas qui lui aussi est un peu perdu : Thomas, tu demandes quel est le chemin, mais « Je suis le chemin, la vérité et la vie ! » Cette phrase est parfois utilisée par certains chrétiens pour défendre l’idée qu’il n’y a qu’une seule vérité à l’exclusion de toute autre : celle du christianisme. Or le Christ est plus grand que le christianisme. C’est le Christ qui est le vrai chemin qui conduit à la vie et l’accueillir en nous, c’est accueillir la vie de Dieu en nous.

L’autre moyen de consolider sa foi, c’est de tendre comme Jésus, vers l’unité avec Dieu : Jésus est tellement uni à Dieu qu’il peut dire que « le Père et moi nous sommes un » ! Jésus vit une telle proximité avec Dieu qu’on peut dire qu’il est « fils de Dieu ». Mais cela n’est pas réservé qu’à Jésus : nous aussi, nous sommes fils et filles de Dieu, invité comme Lui à ne faire qu’un avec le Père. Voilà la destination de notre chemin et contrairement à Thomas, nous savons quel est le chemin pour y parvenir : suivre Jésus, aimer comme il aime, accueillir comme il accueille, regarder les autres comme il les regarde, etc…. Oui, en accueillant Jésus ressuscité en nous, son Esprit fait le même travail en nous qu’en Lui : il nous lie au Père. Et c’est ce lien au Père par Jésus qui est la condition de la solidité de notre foi.

Liés à Dieu de plus en plus finement, de plus en plus intensément grâce à l’Esprit de Jésus en nous, nous pourrons alors agir comme Jésus et encore mieux que lui : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père » Est-ce possible que nous fassions des choses plus grandes que Jésus ? Eh bien oui, car si Jésus est l’Entier de Dieu, nous sommes des éclats de Dieu, qu’il convient de rassembler pour donner aux hommes et aux femmes de ce temps, l’occasion de connaitre le visage de Dieu.

Unis au Père grâce à Jésus, laissons l’Esprit agir par nous pour répondre aux besoins de notre monde notamment des plus souffrants. Depuis 2000 ans, beaucoup de bonnes et grandes œuvres ont été accomplies grâce aux croyants habités par le Christ. Aujourd’hui encore, beaucoup de bien est réalisé grâce à ceux et celles qui se réclament du Christ. Alors n’hésitons pas à nous joindre à cette foule immense de témoins qui poursuivent l’œuvre du Ressuscité dans ce monde.

Bonne suite de temps pascal dans l’élan du Ressuscité, uni au Père et à son Esprit.

Gilles Brocard

 

DIMANCHE 30 AVRIL 2023                                                     DIMANCHE DU BON PASTEUR

Homélie de Vénuste

 Sortir !

Actes 2, 14… 41 : puisque, par sa résurrection, Jésus se révèle maître de la vie, tous ceux qui veulent vivre n'ont d'autre alternative que de se tourner vers lui et de se mettre à sa suite. C'est cela la conversion. Elle ouvre au baptême chrétien qui a comme spécificité le don du Saint-Esprit, accomplissant ainsi la promesse que Dieu a faite dans la première alliance. La parole de Pierre reçoit bon accueil ; l’Eglise célèbre ses premiers baptêmes.

1 Pierre 2, 20-25 : pour soutenir ses frères dans l'épreuve des persécutions, l'apôtre leur propose de prendre le Christ lui-même en exemple et il évoque les souffrances de la Passion. L’Eglise donne déjà la signification de la Croix : le crucifié est le « berger qui veille sur vous » et guérit par ses blessures.

Jean 10, 1-10 : Jésus se présente non seulement comme le (seul) bon pasteur, qui se fait reconnaître par sa parole et guide son peuple, mais aussi comme la (seule) porte. Pour entrer dans l'enclos de la bergerie, qui représente le séjour dans la proximité de Dieu, il faut trouver la porte et être introduit. Jésus a ouvert le chemin, sa résurrection est la porte de la nouvelle vie. « Il conduit dehors toutes ses brebis » : il ne s’agit pas de rester frileux à l’intérieur, « confinés », il s’agit de « suivre » le berger qu’on « connaît » par la voix et d’aller vers les autres.

La parabole du Bon Pasteur se situe dans un contexte très polémique. La guérison de l'aveugle-né a provoqué une vive altercation entre Jésus et ses adversaires qui vont jeter l'aveugle-né hors de la synagogue et tenter de lapider Jésus. Celui-ci montre, dans la double parabole, que les autorités religieuses qui sont contre lui, sont de mauvais bergers et même des voleurs qui escaladent les murs au lieu de passer par la porte de la bergerie, parce que le portier (le Père) ne leur a pas ouvert la porte.

L'image du pasteur n'est peut-être pas assez parlante à nos contemporains pour qui une ferme est une exploitation qui n'a d'autre raison d'être que le maximum de rendement, une affaire de sous. L'autre difficulté, c'est que pour beaucoup d'entre nous, parler de brebis, c'est évoquer le comportement grégaire et moutonnier (les moutons de Panurge). Pour bien comprendre la parabole d’aujourd’hui, il faut se rappeler comment se comportaient les bergers au temps de Jésus. Jadis on restait tout le temps avec le troupeau, qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il neige, nuit et jour. C’est ainsi que le berger connaissait chaque bête et lui donnait un petit nom mignon qui lui collait bien, il nouait une vraie relation avec elle, était peiné de la voir malade… et ne pouvait pas en manger la viande ! Chaque berger avait ses moutons qu'il menait paître dans les pâturages, mais pour la nuit, différents troupeaux, différents bergers se retrouvaient dans un même enclos entouré d'un petit mur de pierre pour les protéger du froid et des prédateurs. Et au matin, chaque berger rassemblait ses brebis et les menait dehors. Comment les rassemble-t-il ? Seulement par la voix ! Il faut l'avoir vu pour y croire ! Vous aurez vu de gros troupeaux de moutons en transhumance à travers les villages par exemple dans le sud de la France. Les brebis reconnaissent le cri de leur berger. Les moutons avancent toujours la tête baissée, c'est à la voix qu'ils savent où se trouve leur berger. Il suffit que celui-ci se mette à leur tête, il suffit qu'il donne un peu de la voix, et voilà tout le troupeau derrière lui. Il appelle chacun par son nom.

Voilà comment l'image du pasteur est très biblique : Dieu lui-même se présente comme le pasteur de son peuple. Il est là pour qu’on ne manque de rien, pour qu’on n’ait pas peur ; il se met à notre entière disposition, aux petits soins, aux petites attentions... pour que chacun trouve son bonheur. Ce n'est pas un « propriétaire » qui a « besoin » de l’animal, soit pour son propre menu, soit pour en tirer un profit financier, soit pour son prestige et sa gloire, soit comme « animal de compagnie » : Dieu n’a pas besoin de nous, mais il nous offre son amour gratuit parce que nous en avons besoin. Loin de faire la fête au détriment des brebis qu’il égorgerait pour préparer ses festins, c’est lui qui se donne en J.C. : « ceci est mon corps, prenez et mangez » ; ce sont les brebis qui se régalent de lui. Voilà comment Jésus assume cette image du pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, qui appelle chacune par son nom. Comme il a appelé Zachée juché dans son sycomore, ou Marie de Magdala au matin de la résurrection. Qu'il y ait une autre voix, c'est comme si les brebis étaient sourdes. « Je suis » : la formule rappelle le nom divin Yahvé révélé à Moïse !

Tel est Jésus pour nous. Si cela est vrai côté berger, côté Jésus, est-ce que c'est vrai de notre côté ? Il nous appelle chacun par son nom, nous ne sommes pas une masse d'individus, nous ne sommes pas des numéros (avec puce électronique et code barre) ; chacun a un petit nom qui n'est évidemment pas le nom sur la fiche signalétique du bureau de la population à la commune. Dans l’Apocalypse, il est dit que le Seigneur donnera au vainqueur « un caillou blanc portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit ». Nous lisons en Isaïe 49, 15-16 : « Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas. Car je t’ai gravée sur les paumes de mes mains, j’ai toujours tes remparts devant les yeux ». Mais de notre côté, est-ce que nous connaissons vraiment sa voix, est-ce que nous nous intéressons à bien la connaître pour savoir l'identifier, la reconnaître, sans erreur ni hésitation au milieu de toutes les voix autour de nous ? Est-ce que bien souvent nous ne suivons pas des inconnus, des gourous qui nous égarent ? Est-ce que nous ne prenons pas plaisir à nous laisser tromper en suivant la grande foule de façon grégaire, par conformisme, par facilité, par esprit de lucre, par soif de plaisir ?

Jésus ne se présente pas seulement comme le bon berger, il se dit aussi la porte de la bergerie. C’est une image insolite qu’on passe souvent sous silence. A quoi ça sert une porte ? Au départ, c’est un trou dans le mur, pour pouvoir passer de l’extérieur à l’intérieur et vice-versa. Une porte sépare ceux de l’extérieur de ceux de l’intérieur. Une porte protège : du froid, du danger extérieur. Une porte rassure et fait penser à la sécurité. Une porte permet l’intimité. Une porte permet d'entrer et de sortir : le chef, l’adulte responsable sait ainsi où il va. La porte, c'est la liberté, la sortie vers la libération comme à l’Exode. La porte de la bergerie, c'est la sortie vers de riches pâturages. Jésus est la porte, c'est le passeur. Mais il n’est pas un gourou qui enferme ses disciples.  

Remarquons l'exclusivité : Jésus est le seul à conduire à Dieu. Sans lui, l'humanité resterait enfermée, sans issue, sans horizon. Le salut ne passe que par lui. Il est le seul fiable : avec les autres on risque de tomber dans les ravins de la mort, on risque de rester emprisonnés par les murs infranchissables de la haine, de l’erreur, de l’esclavage multiforme. Lui seul ? Ceci est un langage qu'on a peur de tenir, au risque de se faire traiter d'intolérant. Cela rappelle la fameuse formule : « hors de l'Eglise pas de salut » (l’Église étant la bergerie puisque le Christ est la porte). Depuis le concile Vatican II, on a retrouvé l'explication que donnait Clément d'Alexandrie au 4ème siècle : la voix du Christ n'a pas parlé seulement dans l’Église, elle parle dans toutes les religions, elle parle à toutes les consciences, elle appelle chaque homme par son nom. C’est donc que le Christ reste l'unique porte.

Cette parabole d’aujourd’hui a souvent été interprétée dans le sens unilatéral d’entrer au bercail, et surtout dans le sens d’entrer au paradis : Jésus est la seule bonne porte du Paradis. Nul ne peut aller au Père sans passer par lui, il est LE chemin (évangile de dimanche prochain). Or Jésus parle surtout de sortir : « quand il conduit dehors toutes ses brebis… ». Il ne s’agit donc pas de rester frileusement dans un endroit douillet avec lui, encore qu’il faut toujours se protéger contre l’ennemi intérieur ainsi que mener le combat contre soi-même aussi et la tendance à se fermer sur soi. Il s’agit de mener, à la suite du Christ, le combat également à l’extérieur, le combat de l’Évangile, de la vie, de la vérité, de la justice, de la fidélité, contre le mal, contre le péché et toutes les formes de mort. Le chrétien sort en mission, pour être témoin fidèle avec tous les dangers de s’égarer s’il perd, s’il coupe la voix du Christ. Comme Jean Baptiste, le chrétien perçoit la voix du Christ pour la répercuter dans son entourage et apprendre aux autres à la reconnaître pour la suivre à leur tour. Le Pape François parle de sortir vers la périphérie !

Exerçons-nous donc à savoir reconnaître la voix du Bon Berger au milieu des multiples sirènes du monde qui veulent nous bercer et nous berner. Nous avons à exercer notre discernement. Car il n'est pas évident de reconnaître la voix du Berger. Ce temps pascal nous a raconté comment même les disciples qui l'avaient longtemps suivi, n'arrivaient pas à le reconnaître. Pour exercer notre écoute, il faut impérativement en prendre les moyens, comme pour tout entraînement. Il y a des lieux et des temps privilégiés : Dieu ne parle pas n'importe où ni n'importe comment. Faire silence : faire taire nos bruits intérieurs, nos soucis et nos tristesses, nos joies folles aussi comme nos préjugés et idées fixes. Il faut être prière, accueil, disponibilité à l'Esprit Saint. La voix du Christ s'entend dans les Écritures : il faut les fréquenter, les prier, les annoncer, il faut en être expert ; il ne devrait pas passer un jour sans méditer au moins un verset biblique. La voix du Christ s'entend dans la communauté, dans la liturgie, dans les partages d'évangile, dans les groupes bibliques, là où se vit l’amour. La voix du Christ s'entend dans la prière en famille, dans l'entretien spirituel avec des témoins de Dieu. C’est ainsi qu'on se fait un 6ème sens qui ne trompe pas, une antenne qui reconnaît le Bon Berger sans erreur ni hésitation. Ainsi la voix du Christ devient vraiment une voix intérieure. N'oublions pas qu’écouter, c'est mettre en pratique.

Le « dimanche du Bon Pasteur » est la journée mondiale de prières pour les vocations. Prions pour qu’il y ait un terreau favorable aux vocations : prions donc pour tous les baptisés, prions pour les familles qui sont le lieu où on apprend le service, l'engagement, la disponibilité, la sainteté. Face au phénomène inquiétant de diminution et de vieillissement des prêtres, prions le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson, nombreux et saints, de grande probité, zèle, enthousiasme… 

Amen

Vénuste

 

DIMANCHE 23 AVRIL 2023                                        

Homélie de Vénuste

Interactivité !

Actes 2, 14... 33 : première prédication le jour de la Pentecôte. L’Esprit Saint pousse les apôtres à sortir de leur peur pour témoigner du Ressuscité : c’est le temps de l’Eglise, le temps de l’Esprit, qui commence. Pierre annonce Jésus de Nazareth qu'on venait de faire mourir sur la croix mais que Dieu a ressuscité. Comme l'apôtre s'adresse aux Juifs, il s'attache à démontrer la conformité de l'événement de la résurrection avec les prophètes (les Ecritures).

1 Pierre 1, 17-21 : les convertis avaient été adeptes de religions païennes et vénéraient des divinités des statues d'or et d'argent. A ces objets inanimés, l'apôtre oppose Jésus le Ressuscité, l'Agneau pascal, qui donne la victoire sur toutes les sortes de mort. En Jésus ressuscité, Dieu donne bonheur et vie ; la paternité divine prend un sens nouveau.

Luc 24, 13-35 : deux disciples rentrent chez eux, sans plus d’espoir ni d’avenir ; dans ce désarroi, ils font une vraie « rencontre » avec le Christ. Nous rencontrons Jésus dans sa Parole et dans son Pain. Il nous rejoint sur nos routes humaines, répond à nos questions, à partir des Ecritures, nous invite à sa table pour rompre le pain et nous envoie vers les frères réunis en communautés. Nos assemblées dominicales devraient faire la même expérience dans toutes ces étapes.

L'histoire des disciples d'Emmaüs nous est bien connue. Dans l'évangile selon St Luc, c'est la toute première apparition de Jésus ressuscité : en effet les femmes qui se sont rendues au tombeau n'ont pas vu le Ressuscité, elles n'ont vu que des anges qui leur ont appris que Jésus est vivant et qui les ont envoyées l'annoncer aux apôtres. Jésus apparaît aux disciples d'Emmaüs avant d'apparaître au groupe des onze apôtres (on continue à les appeler les Douze alors que Judas s'est pendu et qu’il n’est pas encore remplacé). On aurait pensé que ce sont ces derniers qui devaient, en toute justice, avoir la primeur. Or Jésus, toujours selon Luc, préfère réserver ce privilège à deux illustres inconnus qu'on ne trouve nulle part ailleurs dans les textes du N.T. (un des deux n'a même pas de nom). Il leur apparaît sur la route vers un village qu'on n'arrive pas à localiser. L'apparition aux apôtres semble avoir été rapide, tandis que celle-ci prend le temps de tout un trajet, jusqu'à la tombée de la nuit. Pourquoi Luc a-t-il attaché plus d'importance à l'apparition aux disciples d'Emmaüs ? On s'accorde à dire que cela signifie qu'Emmaüs, c’est n’importe quel lieu sur la planète et qu’un des disciples d'Emmaüs, le compagnon de Cléophas qui n’a pas de nom, c'est n'importe qui d'entre nous ; c’est partout que Jésus fait route avec chacun d’entre nous à nos heures de doute et de désespoir, c'est n'importe quelle assemblée liturgique. Car il s'agit d'assemblée liturgique ici, avec la table de la Parole et la table du Pain.

Les deux disciples d'Emmaüs avaient certainement suivi Jésus pendant longtemps : « Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël ». Ils étaient certainement présents à la Cène quand Jésus a rompu le pain, puisqu'ils ne le reconnaîtront qu'au geste bien propre à Jésus de rompre le pain (autre preuve pour tordre le cou à cette superstition stupide qui a peur du chiffre 13 : à la Cène, ils étaient plus nombreux que cela, sans compter les femmes). Ils sont restés à Jérusalem jusqu'au matin de Pâques : puisqu'ils savent que les femmes sont allées au tombeau et que, n'ayant pas vu le corps, elles sont venues alerter les disciples dont « quelques-uns de nos compagnons » sont allés constater que les choses étaient comme les femmes l'avaient dit ! Ils ont quitté Jérusalem avec le sentiment que la belle aventure Jésus, il fallait faire une croix dessus (sans jeu de mots), elle a brutalement tourné court avec la condamnation – officielle – de Jésus ! Ils avaient parié sur Jésus, les voilà désormais avec le sentiment d'avoir été floués, de s'être trompés, d'avoir donné leur confiance pour rien. Ils ont perdu la foi ! Jésus est totalement sorti de leur tête, de leur vie. Tellement qu'ils ne le reconnaissent pas quand, pendant tout le trajet, il fait route avec eux, qu'il leur parle (ils connaissaient quand même sa voix, sa façon d'enseigner). Ils lui décrivent les faits qui le concernent (ils croient qu’il est le seul à ne pas savoir ce qui s’est passé, ce qui les a justement déçus : la mort sur la croix, le tombeau vide, l’annonce de la résurrection… et donc l’essentiel, le noyau du kérygme, du message évangélique). Lui leur relit les Ecritures qui le concernent, mais à aucun moment ils ne font le rapprochement avec l’inconnu qui chemine avec eux. Chacun de nous aura fait l’expérience de l’épreuve jusqu’à se demander s’il n’a pas fait fausse route en se fiant à Dieu, s’il ne faut pas s’éloigner de la messe où on continue à chanter une foi qui ne donne pas de preuves ! Des drames qui nous arrivent alors que nous n’avons pas arrêté de prier… de quoi perdre la foi ! Et pourtant Jésus chemine avec nous, mais nos yeux sont trop aveuglés pour le voir !

Oui, c'est vrai que les disciples d'Emmaüs, c'est nous, dans nos doutes et nos égarements. Et à travers eux, nous voyons comment, en bon pédagogue, Jésus s'y prend pour se faire reconnaître des siens, sans s’imposer. Les laisser parler (de ce qu’il sait mieux qu’eux), les laisser « vider leur sac ». Les accompagner dans leurs doutes, leurs questionnements, leurs recherches. S'intéresser à eux, les laisser se confier, exprimer ce qui les trouble, les chagrine. Les aiguiller en douceur, mettre des balises sur leur chemin, dans leur réflexion... Prendre du temps avec eux, s’adapter à leur rythme de marche et de pensées jusqu'à ce qu’ils puissent eux-mêmes découvrir en ce marcheur « Jésus ressuscité ». Leur donner l’intelligence des Ecritures, de sorte que ce qui paraissait un échec devient l’accomplissement de « la Loi et les prophètes ». Jésus ne change pas les faits. De cœurs lents, ils ont le cœur brulant ! C’est ce que Jésus fait pendant la liturgie de la Parole de chaque messe, avec nous. A nous aussi, il explique cette vérité difficile à croire : la croix n’est pas un échec, elle est vie ; son silence n’est pas absence.

Emmaüs, c’est une homélie qui a duré des heures : une homélie interactive ! D’où l’importance de la liturgie de la Parole dans nos assemblées liturgiques, d’où l’importance de la méditation de l’Ecriture en petits groupes et en privé, dans la prière personnelle, dans la prière en famille. On encourage beaucoup le partage d'évangile, car on se rend compte qu'il faut lire les textes en groupe, si on veut que la lecture individuelle (solitaire) soit profitable elle aussi. Il faut être au moins deux comme les disciples d'Emmaüs. Il faut les lire avec les pieds : il faut se déplacer, nous qui avons tendance à ne pas sortir de chez nous et avons des réticences à passer le seuil de chez les autres ou les accueillir chez nous. Car pour accueillir la parole de Dieu, il faut savoir s'accueillir mutuellement, ne pas seulement accueillir les autres chez soi, mais encore jouir de l'accueil des autres. Les disciples d'Emmaüs ont accueilli en leur compagnie, cet étranger à qui ils vont raconter leurs désillusions et leur tristesse ; c'est leur accueil qui a fait que leur cœur était brûlant en l'écoutant, car ils sont ouverts et avides de vérité ; avant de le reconnaître, ils vont le retenir quand il fait semblant d'aller plus loin (pour qu’ils expriment encore leur désir), ils l'accueillent à leur table et se verront gratifier de la fraction du pain. Je ne sais pas pourquoi on a affirmé qu’ils l’accueillent à leur table mais à l'auberge : c’est quand même dans leur village, ce doit donc être chez l’un des deux, l’hospitalité est encore plus vraie ainsi. C’est dire l'importance de l'accueil mutuel comme « disposition » la meilleure pour accueillir la parole divine, car l'éclairage des Ecritures passera par l'échange (tous ayant reçu le don de l'Esprit). C’est dire l'importance de la communauté pour la foi : la foi n'est pas (strictement) personnelle, la foi n'est pas privée, ce n'est pas une affaire entre toi et ton Dieu ; et quand on a bénéficié d'une (apparition) lumière spirituelle, il faut toujours courir la dire (la partager, la vérifier, l'authentifier) auprès de l'Eglise apostolique. On ne rencontre jamais Jésus sans rejoindre la communauté chrétienne réunie pour proclamer sa mort et sa résurrection.

Jésus leur explique ce qui le concerne dans l’Ecriture, puis il leur rompt le pain avant de disparaître de leurs regards. L’intelligence des Ecritures n’est qu’une étape : elle est incontournable, mais insuffisante. Elle n’a pas suffi aux disciples d’Emmaüs pour reconnaître le Ressuscité. C’est à la fraction du pain que leurs yeux s’ouvrirent ! Paradoxalement c’est au moment où il disparaît à leurs regards qu’ils le reconnurent : preuve que ce sont les yeux du cœur qui le reconnaissent. Ce qui est étonnant dans le récit des disciples d'Emmaüs, c'est que, quand le Seigneur chemine avec ses disciples, il est invisible et quand il se fait reconnaître (quand il se fait visible), il disparaît aussitôt aux regards. Qu'est-ce à dire ? Qu'il y a voir et re-connaître : le Ressuscité ne se fait pas voir, mais se fait reconnaître. Que voir n'est pas nécessairement croire et que désormais les visions, les apparitions ne sont pas nécessaires : Cléophas et son ami ont reconnu le Christ dans les Ecritures et dans le pain rompu, ce sont les mêmes signes que le Christ nous donne aujourd’hui. Que si le Christ est visible, il y a toujours risque qu'il soit méconnu et renié. Que le fait qu'il se « cache » augmente en nous le désir de le rencontrer. Que sont heureux ceux qui, sans avoir vu, « voient clair » et croient. De toutes les façons, la lumière qu'apporte la parole des Ecritures trouve son sens plénier dans le geste du partage du pain : le sacrement du pain rompu et partagé nourrit notre foi en Jésus ressuscité. Ceci pour dire qu’on ne peut pas être chrétien sans l'Eglise, tout seul. C’est dans l'Eglise qu'on peut trouver le sens plénier et des Ecritures et de l'Eucharistie. La liturgie de la Parole est une information – formation. Elle ouvre à la table du Pain. Etre chrétien, ce n’est pas seulement croire : on peut avoir fréquenté les meilleures facultés théologiques du monde, il manquera quelque chose d’important si on n’est pas assidue à l’assemblée eucharistique. Posséder la doctrine ne suffit pas, suivre la messe à la télévision non plus (« foi virtualisée ») : nous l’avons bien compris en ce temps de confinement à cause du coronavirus.

Qu’avons-nous fait de notre messe ? Comment maintenir ce feu qui brûlait les disciples d’Emmaüs quand ils écoutaient les Ecritures (liturgie de la Parole) ? Comment reconnaître le Ressuscité à la « fraction du pain » (liturgie eucharistique) ? Que faire pour que grandisse, à travers nos célébrations, la conviction que le Christ est vivant, que nous le rencontrons chaque fois que nous participons à la messe ? Que le Christ pascal, le Christ ressuscité fasse de nos communautés un lieu où le monde va le reconnaître, le rencontrer, dans la Parole et dans le Pain partagé dans la joie et l'espérance. 

Amen

Vénuste

 

DIMANCHE 16 AVRIL 2023                                         Dimanche de la divine Miséricorde

 

Homélie de Vénuste

Shalom !

Actes 2, 42-47 : portrait « idyllique » de la première communauté chrétienne qui vivait l'unité, la pleine communion autour de 4 piliers : « fidèles à l'enseignement des apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières. » « D’un seul cœur ». C’est ce témoignage d’unité qui va attirer beaucoup de nouvelles conversions.

1 Pierre 1, 3-9 : la première communauté chrétienne avait pris ses distances par rapport au comportement de l'entourage qui lui faisait subir beaucoup de vexations. L'apôtre Pierre veut la soutenir dans cette épreuve qui « vérifie la qualité de votre foi », mais qui ne peut entamer « la joie qui vous transfigure » en l'espérance que donne la résurrection. Une belle action de grâce au Seigneur qui nous a fait renaître (par le baptême) dans la résurrection de son Fils pour un héritage incorruptible.

Jean 20, 19-31 : deux apparitions à distance de 8 jours (ce qui donne le rythme des célébrations dominicales, comme des rendez-vous avec le Seigneur). Le Seigneur fait un triple don à ses disciples : la paix, l'Esprit Saint pour remettre les péchés (le pardon est une grâce pascale) et l'envoi en mission (« comme le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie »). Avec Thomas, nous comprenons que désormais le temps du « voir » a cédé la place au temps du « croire » qui se nourrit du témoignage de ceux qui ont vu et cru. C’est dans la communauté priante qu’on rencontre le Ressuscité.

Nous avons l'habitude de chercher à bien préparer Pâques mais notre attention se relâche sitôt la fête pascale célébrée. Et pourtant, si nous avons 40 jours de carême, le temps pascal en compte 50 : la liturgie a fait, du temps qui court de Pâques à Pentecôte, une seule fête. C’est le temps des apparitions du Ressuscité, le temps pour ses amis de passer du doute à la foi pascale, le temps de la naissance de l'Eglise qui désormais prend le relai de la mission de Jésus sous la conduite de l'Esprit Saint.

En ce dimanche de la divine Miséricorde, St Jean nous relate les deux premières apparitions du Ressuscité à distance de 8 jours pour indiquer le rythme des rendez-vous hebdomadaires que Jésus fixe à la communauté des croyants. Nous avons tendance à sauter la première apparition pour aller nous regarder dans la figure de Thomas auquel nous ressemblons tellement que nous sommes ses jumeaux (St Jean prend la peine de nous apprendre que le nom « Thomas » signifie justement « jumeau » !).

Arrêtons-nous donc un peu plus sur la première apparition. Premier détail : les disciples avaient toujours les portes verrouillées par peur, malgré le message des femmes, malgré que Pierre et Jean s’étaient rendus au tombeau. Nous avons toujours peur que quelqu'un fasse irruption du dehors et nous prenons nos précautions. Même le Seigneur, nous l'avons éloigné par excès de prudence. Ce sont les cœurs aussi qui sont verrouillés : par la peur, le deuil, l’incrédulité… ils sont tétanisés, sans avenir. Mais le Seigneur fait irruption à l'intérieur même, il rejoint les siens dans leurs enfermements. Nous aimerions garder notre jardin secret, alors que le Seigneur vient nous libérer de toutes ces barrières qui nous enferment : situations familiales, règles de vie, discipline pour la santé, manières de penser...

La paix soit avec vous ! Jésus le dit deux fois. C’est plus qu'une salutation. Shalom pour les Juifs, c’est le bien messianique par excellence, la plénitude et l’accomplissement de ce dont l’homme a besoin pour être comblé, du don de Dieu. Le Christ apporte la paix, sa paix, la paix que le monde ne peut donner.

Il leur montre ses mains et son côté : ce ne sont pas des plaies qu'il montre (la plaie ça saigne, ça pue) ; ce sont les signes de sa passion, signes que c'est le même qui a été cloué et transpercé sur la croix, mais désormais ces signes sont radieux de la résurrection ; les marques de sa souffrance et de sa mort sont devenus signes de son amour, sources de vie divine. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur : le passage du Ressuscité crée toujours un climat de joie, d'allégresse et de louange.

Le Christ fait aussi le don de l'Esprit : pour l’évangéliste Jean, la Pentecôte c’est à Pâques, à la 1ère apparition. Il souffla sur eux (sur la croix déjà, il expire, « il livre l’Esprit »), comme à la création quand Yahvé souffla son haleine dans les narines d'Adam pour qu'il respire et vive. Le petit groupe réuni au Cénacle (noyau de la future Eglise) reçoit le souffle divin, c'est la nouvelle création, la nouvelle humanité, qui démarre : « Recevez l'Esprit Saint ». En recevant l'Esprit Saint, les apôtres reçoivent le pouvoir d'être les instruments de la miséricorde divine, comme Jésus. Pouvoir de remettre (délier) ou de maintenir (lier) les péchés : hébraïsme qui utilise des mots contraires, non pas tant pour offrir une alternative, mais plutôt pour souligner l'action positive à opérer (délier, libérer le pécheur et jamais lui refuser le pardon). Le pardon est la grâce pascale : l'Eglise est le canal du pardon de Dieu (a-t-elle le droit de le refuser alors que Dieu lui-même, riche en miséricorde, pardonne à tous les enfants prodigues ?). En fait Jésus est en train de faire de ses disciples ses vicaires : il ne se fait pas remplacer, car il restera toujours présent, mais ce sera à travers eux qu’il sera visible, qu’il opérera ses signes, qu’il remettra les péchés. « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ».

Thomas n'était pas avec le groupe des apôtres à la 1ère apparition. Il vient après. Comme nous : nous n’étions pas là quand le Ressuscité s’est montré, alors nous avons des doutes, nous cherchons des preuves, notre esprit « scientifique » et cartésien ne croit que ce qu’il voit, n’accepte rien qui ne soit évident. Présenter Thomas comme le sceptique au milieu d’un groupe d’apôtres croyants est d’une déformante simplification. Tous les apôtres sont passés par son doute. « Le témoignage des femmes leur parut radotage et ils ne crurent pas ». « Jésus lui-même, en apparaissant aux Onze, leur reprocha leur incrédulité et leur dureté de coeur parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité des morts ». Thomas est donc ici le personnage incarnant tous les disciples au stade de leur désarroi. Ce n’est pas le doute froid, le scepticisme ; c’est la difficulté de croire à l’humainement impossible ; c’est notre désarroi qu’il exprime, et qui n’est pas faute, mais souffrance lorsque, désemparés, nous peinons dans la nuit du doute. Thomas a demandé à voir et à toucher. C'était son droit. Il est donc invité à son tour à avancer vers le Ressuscité ; rien ne dit qu'il a touché, le Christ ne lui dit pas « parce que tu m’as touché, tu crois », il dit « parce que tu m’as vu, tu crois » (chez l’évangéliste Jean, voir = croire).

A la suite des apôtres, nous sommes donc invités à approcher le Ressuscité. Nous avons donc, nous aussi, raison de demander à voir. Mais qu'est-ce qu'il y a encore à voir ? Rien ! Jésus ne fait plus d'apparitions (sauf à quelques rares personnes). Il y en a qui se rabattent sur ce qu'on dit avoir appartenu à Jésus : le saint suaire, la « vraie » croix (de Ste Hélène), le saint Graal ... Je crois que les apôtres ont bien fait en ne recueillant pas de « reliques » de Jésus. Ils n'ont jamais cherché à authentifier quoi que ce soit (et eux seuls pouvaient le faire). Car le Christ, ils l'ont fait voir de façon autrement plus véridique. Et c'est là qu'ils nous disent : « venez et voyez ». Dans la communauté ecclésiale. La présence du Christ ne se trouve que dans la communauté, dans le rendez-vous hebdomadaire du « Jour du Seigneur » le dimanche, dans l'assemblée liturgique. Thomas ne pouvait pas croire que le Seigneur est vivant, tant qu’il se trouvait en dehors de la communauté. La participation à la messe dominicale, la présence à la communauté « convoquée » (pas seulement « invitée ») sont incontournables pour rencontrer le Seigneur : pas de foi sans cela. Il est évident que celui qui ne célèbre plus le dimanche « dans l’assemblée des fidèles », perd la foi en la résurrection. C’est dans une assemblée de foi, à travers les gestes sacramentels qu’il a lui-même institués, que le Christ de Pâques est présent concrètement à ses disciples d’aujourd’hui. Nous avons besoin, comme Thomas, de rencontrer le Ressuscité, lui l’a rencontré « en chair et en os » (une façon de dire, car le corps glorieux du Ressuscité n’avait point besoin de chair ni d’os : la preuve c’est qu’il entre alors que les portes sont verrouillées), nous, nous le rencontrons spirituellement à travers la communauté qui célèbre et chante sa foi. C’est dans une rencontre communautaire que la présence du Christ est la mieux ressentie. Il est fini le temps du voir avec les yeux de chair : place à la foi des témoins qui se transmet et qui se célèbre. Heureux ceux qui croient sans avoir vu : béatitude de la 2ème lecture aussi, car « Lui vous l’aimez sans l’avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi ».

Chacun de nous est le jumeau de Thomas dans ses doutes ; qu’il fasse tout pour lui être le jumeau dans son cheminement vers la foi (une vraie rencontre) jusqu’à la splendide profession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Or, ce cheminement ne peut pas se faire seul individuellement : il n’est possible que quand on est soutenu par une communauté. De même que Thomas a été entouré par ses amis qui avaient vu le Seigneur avant lui, de même nous, nous avons besoin d’une vraie communauté de croyants, pour vivre et exprimer personnellement notre foi de chrétiens. La foi n’est donc pas une affaire personnelle. On la reçoit de l’Eglise, les autres nous aident à traverser les doutes…

Est-ce que, si un incroyant passe chez nous, est-ce qu’il remarquera le Christ à travers nos assemblées liturgiques, à travers la solidarité et la vie sociale ? Laissons le Christ traverser les murs de nos cœurs pour nous donner son Esprit et nous envoyer comme lui-même a été envoyé par le Père.

Aujourd’hui, donnons une attention spéciale au geste de la paix. La paix du Christ ! C’est ce geste que nous faisons avant d’approcher de la communion. Est-ce que nous avons conscience de recevoir cette paix de Jésus et de la donner à notre voisin ? d’être le Christ pour le voisin ? Je vous invite aujourd’hui à attendre la paix qui vient de l’autel avant de l’échanger : je donnerai la paix à la première personne de chaque rangée, attendez donc que ce geste se transmette en relais. Il faut le faire avec chaleur : desserrer les dents, faire un bon sourire, se regarder dans les yeux, dire la formule de façon audible et convaincue (l’un après l’autre et non en même temps : on transmet le don qu’on vient de recevoir)…

Nous vivons des restrictions à cause du coronavirus. Retrouvons ces valeurs à la 1ère occasion : dans les célébrations liturgiques, mais aussi dans la solidarité et le bon voisinage, en communion.

Amen

Vénuste

DIMANCHE 9 AVRIL 2023                                                              Pâques

 

Homélie de Vénuste

Incroyable mais vrai !

Actes 10, 34-43 : nous avons ici le prototype d’une prédication de l’Eglise primitive, « le kérygme », la première annonce, la « bonne nouvelle » à savoir que Christ est ressuscité : sa vie publique commence quand le Saint Esprit l’a consacré dans le Jourdain, son œuvre culmine dans sa mort – résurrection. Il se manifeste à tous ceux qui mangent avec lui depuis sa résurrection, c-à-d tout baptisé qui participe à l’Eucharistie et qui par le fait même est son témoin. Nous avons là l’essentiel de la catéchèse nécessaire pour être baptisé.

Colossiens 3, 1-4 : le chrétien est intimement associé à la Pâque du Christ. Parce qu’il est ressuscité avec le Christ, il est mort avec le Christ (pas l’inverse) : mourir avec le Christ, c’est la conséquence du choix de vivre, en ressuscité, à la suite du Christ. Tendez donc vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre : il est mort le terrien en nous, celui que Paul appelle le vieil homme.

Jean 20, 1-9 : Marie-Madeleine a constaté que la pierre (lourde) avait été enlevée, Pierre et Jean constatent « le linceul resté là et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place » ; ce qui exclut l’hypothèse de l’enlèvement que suggérait Marie-Madeleine. Nous sommes en présence de « signes », et non de preuves, on reste libre de les interpréter : car on peut voir sans croire. Jean, « il vit et il crut », plus besoin de voir le Jésus de Nazareth, il reconnaît le Ressuscité à travers ces signes, il se rappelle que « d’après les Ecritures, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ».

Incroyable mais vrai. Quelqu'un de chez nous, de notre race, de notre chair, est ressuscité. Il a vaincu la mort, il ne meurt plus, il est plus vivant que jamais, il est vivant à jamais, il est « le Vivant ». N'est-ce pas vraiment une « Bonne Nouvelle » au sens étymologique du mot « évangile » ? C'est ce qui a fait courir les apôtres à travers tout le bassin méditerranéen. C'est le message originaire et original de l'Eglise : « Dieu l'a ressuscité, nous en sommes témoins ». Témoins de l'impossible, croyants de l'incroyable.

Mais qu'est-ce qu'ils ont eu de la peine à le croire, eux-mêmes, bien que le Seigneur les avait prévenus plusieurs fois ! Il est vrai que Jésus n'a pas cherché à en faire une évidence : la résurrection reste un événement de foi. St Pierre fait remarquer : « Dieu a donné à Jésus de se montrer, non pas à tout le peuple, mais seulement aux témoins que Dieu avait choisis d'avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d'entre les morts ». L'événement s'est passé dans la discrétion la plus totale, sans tapage ni caméra télé, ni caméra caché, sans journaliste ni chroniqueur pour relater le scoop de tous les temps. Les soldats qui gardaient le tombeau n’y ont vu que du feu ! Jésus aurait pu se montrer à Pilate ou à Caïphe : ceux-ci auraient cru à un revenant, pas à un ressuscité. Car si l’événement est important, il ne peut l’être que dans sa signification, dans sa portée universelle pour le salut du genre humain. C’est pour cela que Jésus apparaît à ceux qui ont cheminé avec lui : eux seuls pouvaient vraiment « saisir » l’événement.

Les premiers témoins oculaires, de première main, qui soit dit en passant ne l'ont vu qu'une fois ressuscité (personne n’a assisté à la résurrection), ce sont des femmes. Jésus aurait dû faire un meilleur choix : parce que la société juive du temps de Jésus ne donnait aucun crédit au témoignage des femmes. Même dans une matière plus évidente, on concluait à des histoires de bonnes femmes. Pensez donc qu'elles parlent de résurrection, quelque chose d'aussi insolite, un peu contre nature. St Luc note que les apôtres, en entendant les femmes, trouvèrent leurs propos tout simplement « délirants », du radotage.

Et pourtant, s'il y a des personnes « autorisées » à témoigner dans l'affaire Jésus, ce sont ces femmes. Elles suivaient Jésus depuis longtemps dans son activité de prédicateur itinérant. Avec les apôtres. Cependant seules (avec Jean tout de même), elles ont suivi Jésus tout le long du chemin de la croix, sans les apôtres qui avaient fui et abandonné leur maître, par peur. Les femmes, elles, ont eu le courage de le suivre de près jusqu'au pied de la croix. Quelqu'un a dit d'ailleurs que si on avait écouté les femmes, le procès de Jésus se serait déroulé autrement : à commencer par la femme de Pilate qui lui a envoyé un message pour qu'il ne fasse rien à ce « juste », et puis les femmes de Jérusalem sur le trajet de Jésus, elles se lamentaient et se frappaient la poitrine, et Véronique qui brave tous les regards hostiles à Jésus pour lui essuyer le visage… Surtout celles qui ont assisté à l'agonie, au dernier soupir et à l’ensevelissement. Certaines d'entre elles vont au tombeau à la première occasion qui s'offrait à elles (après avoir rempli les obligations du grand sabbat pascal) ; de grand matin, alors qu'il faisait encore sombre (toujours ce courage que n'ont pas eu les hommes). On connaît quelques noms : Jean nomme Marie Madeleine. Les premières à se lever, elles ne se cachaient pas. Si elles ont reçu, en primeur, la grande nouvelle, elles le méritaient. La femme veille à toute naissance, dans l’amour et la fidélité.

Seulement elles sont parties retrouver un cadavre, elles le trouvent absent et s'interrogent (un cadavre qui disparait, ça intrigue immanquablement). La seule explication humainement raisonnable, c'est que le mort n’a pas bougé de lui-même, donc il a été enlevé. Elles sont troublées. Qui peut l'avoir déplacé ? Pourquoi l'avoir déplacé ? Comment le récupérer ? C'est alors qu'il y a l'annonce de sa résurrection. Et les voilà messagères, les premières missionnaires (St Jean-Paul II a appelé Marie-Madeleine « l’apôtre des apôtres »). Personne ne les croira. Il faudra que le Ressuscité fasse des apparitions. Il faudra surtout la Pentecôte pour que les autres apôtres et disciples aient la même audace de sortir en public pour proclamer la résurrection « urbi et orbi » (à la ville et à l’univers).

Comment être crédible en parlant de la résurrection ? Car ce n'est pas un message comme ceux qu'on peut lire en télétexte ou en sms, ou whatsapp. C'est une expérience de vie. C'est une vérité qui nous habite jusqu'à nous faire changer de vie. Les apôtres ont placé cette vérité loin au-dessus de leur propre vie, ils ont préféré mourir plutôt que de la taire, et c'est cela « le témoignage suprême » par le sang. C’est cette vérité qui a donné naissance à l’Eglise. Comment expliquer que l’Eglise soit arrivée jusqu’à nous, s’il n’y avait pas eu ce « big bang », comme le dit Raniero Cantalamessa, le prédicateur du Pape (Pâques 2008) :

« Sans le fait de la résurrection, la naissance du christianisme et de l'Eglise devient un mystère encore plus difficile à expliquer que la résurrection elle-même… Ce sont quelques arguments historiques, objectifs, mais la preuve la plus grande que le Christ est ressuscité et qu'il est vivant ! Vivant, non pas parce que nous le gardons en vie en parlant de lui mais parce que lui nous garde en vie, nous transmet le sentiment de sa présence, nous fait espérer. « Celui qui croit au Christ le touche », disait saint Augustin et les croyants authentiques savent que cette affirmation est vraie… Ceux qui ne croient pas à la réalité de la résurrection ont toujours émis l'hypothèse que la résurrection aurait été un phénomène d'autosuggestion ; les apôtres ont cru voir. Mais si cela était vrai, ce serait en définitive un miracle tout aussi grand que celui que l'on veut éviter de reconnaître. Cela suppose en effet que des personnes différentes, dans des situations et des lieux différents, aient toutes eu la même hallucination. Ceux qui reçoivent des visions imaginaires sont en général ceux qui les attendent et les désirent intensément mais après les événements du vendredi saint, les apôtres n'attendaient plus rien… La résurrection du Christ est, pour l'univers spirituel, ce que fut, selon une théorie moderne, le Big-bang initial, pour l'univers physique : une explosion d'énergie d'une force inouïe, capable d'imprimer le mouvement d'expansion qui dure encore aujourd'hui, plusieurs milliards d'années plus tard. Si l'on enlève à l'Eglise la foi dans la résurrection, tout s'arrête et s'éteint, comme lors d'une panne d'électricité dans une maison. Saint Paul écrit : « Si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton cœur croit que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (Rom 10, 9). « La foi des chrétiens est la résurrection du Christ », disait saint Augustin. Tous croient que Jésus est mort, même les païens et les agnostiques le croient. Mais seuls les chrétiens croient qu'il est également ressuscité et l'on n'est pas chrétien si on ne le croit pas. En le ressuscitant des morts, c'est comme si Dieu donnait son aval à l'œuvre du Christ, comme s'il y imprimait son sceau. « Dieu a offert à tous une garantie en le ressuscitant des morts » (cf. Act 17, 31). »

Nous célébrons la pâque, mais à quel niveau de foi sommes-nous ? Peut-être restons-nous au stade du tombeau vide, sans être assez « clairvoyants » (voyant clair) pour poser les vraies questions comme un bon détective ou un bon policier, quand un cadavre disparait. Sans doute sommes-nous encore à un fait divers qui n'a rien changé dans notre vie, dans nos opinions philosophiques, dans nos choix de vie… Alors c'est que nous n'avons rien compris, si Jésus n'est pas une présence qui nous habite, un vivant qui nous fait vivre. Nous avons besoin de faire cette « expérience de vie ». La liturgie pascale commence par la bénédiction du feu, une façon de nous faire prendre conscience que nous devons avoir le feu sacré en nous, le feu de l'Esprit. Avec cette flamme, nous entrons dans une église vide que la résurrection rend à la lumière. Et désormais nous regardons différemment les disparitions qui parsèment nos vies.

La liturgie pascale nous offre aussi l’occasion de revivre notre baptême : nous renouvelons nos engagements de baptême par la profession de foi, pendant que nous tenons le cierge allumé, avant de recevoir l’eau baptismale sur notre front. Nous avons été baptisés dans la mort et la résurrection du Christ pour être à notre tour morts au péché et ressuscités à la vie divine. Est-ce que tout ceci ne serait qu’un rite ? Oui si rien n’a changé dans la vie quotidienne, si nous sommes encore sous l’emprise du péché, si notre vie est encore celle du monde, si nous ne vivons pas sous l’impulsion du Saint Esprit… Il n’est jamais trop tard pour se convertir : aujourd’hui laissons le Christ rouler la pierre qui nous enferme, laissons l’Esprit Saint nous sortir hors de nos tombeaux pour vivre libres en ressuscités.

Amen

Vénuste

DIMANCHE 2 AVRIL 2023                                                  Dimanche des Rameaux

 

Homélie de Gilles

Détacher l'âne et jeter nos manteaux !

 

ENTRÉE MESSIANIQUE

"Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur" (Mt 21, 1-11)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

 Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem,
arrivèrent en vue de Bethphagé,
sur les pentes du mont des Oliviers.
Alors Jésus envoya deux disciples
            en leur disant :
« Allez au village qui est en face de vous ;
vous trouverez aussitôt une ânesse attachée
et son petit avec elle.
Détachez-les et amenez-les moi.
Et si l’on vous dit quelque chose,
vous répondrez :
‘Le Seigneur en a besoin’.
Et aussitôt on les laissera partir. »
Cela est arrivé pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète :
 Dites à la fille de Sion :
Voici ton roi qui vient vers toi,
plein de douceur,
monté sur une ânesse et un petit âne,
le petit d’une bête de somme.

Les disciples partirent
et firent ce que Jésus leur avait ordonné.
Ils amenèrent l’ânesse et son petit,
disposèrent sur eux leurs manteaux,
et Jésus s’assit dessus.
Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux sur le chemin ;
d’autres coupaient des branches aux arbres
et en jonchaient la route.
Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui suivaient
criaient :
« Hosanna au fils de David !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
Hosanna au plus haut des cieux ! »
Comme Jésus entrait à Jérusalem,
toute la ville fut en proie à l’agitation,
et disait :
« Qui est cet homme ? »
Et les foules répondaient :
« C’est le prophète Jésus,
de Nazareth en Galilée. »

Homélie

Cette courte homélie pour laisser résonner quelques instants le texte que nous venons d’entendre. Et comme il n’est pas interdit de faire une lecture originale de ce texte, je vous propose d’entendre cette entrée triomphale de Jésus à Jérusalem comme l’expression imagée de sa venue triomphale en chacun et chacune d’entre nous. Durant le temps de l’Avent, Jean-Baptiste nous invitait à préparer la venue du Seigneur en aplanissant les collines de soucis en nous, en comblant les ravins de nos manques de confiance en nous et en rendant ses sentiers droits par une conduite aimante. En ce temps de carême et notamment en ce dimanche des Rameaux, c’est le même appel à laisser Jésus entrer en nous pour que dans la ville sainte de nos cœurs, il puisse y vaincre nos morts et faire gagner la vie.

Pour ce faire, Jésus nous invite à deux attitudes fondamentales : détacher l’âne et jeter nos manteaux. Qu’est-ce à dire ? A travers l’âne, j’y vois une manière ironique ou humoristique de parler de tout ce qui s’entête en nous, qui ne veut pas avancer, bref tous ces moments où comme un âne, nous n’en faisons qu’à notre tête. Détacher l’âne et l’amener à Jésus signifie donc repérer tous nos entêtements et les confier à Jésus, pour qu’il s’assoie dessus et qu’il entre en nous. Je crois qu’il sait mieux que nous comment guider cet âne dans la ville sainte, c’est-à-dire vers notre sainteté. Si nous sommes conscients de cette part entêtée qui est en nous et de ses petits ânons qui portent le nom de vexation, d’irritabilité ou de susceptibilité, alors nous pouvons confier cette part de nous-même et nos ânons à Jésus afin qu’il s’en occupe. Pour le dire autrement, nous sommes invités à confier à Jésus cette part de nous qui veut toujours avoir raison, qui refuse de se remettre en question, qui campe sur ses positions, etc…. et le laisser en faire ce qu’il voudra, Lui.

La seconde démarche consiste à déposer nos manteaux sur le chemin que Jésus emprunte pour entrer dans la ville sainte. Le manteau, c’est ce que nous donnons à voir de nous-même, notre apparence, notre façade en quelque sorte. Les jeter pour tracer le chemin de Jésus, pour baliser son entrée en nous, signifie donc accueillir la vérité de notre être, ce que nous sommes vraiment : à la fois ombre et lumière, fort et vulnérable, aimant et pas toujours aimant. Reconnaitre nos masques, voilà la condition pour que Jésus puisse avancer et se faire un chemin en nous, comme ces manteaux déposés à même le sol qui balisent le chemin pour qu’il entre à Jérusalem.

Les branches de rameaux que nous portons aujourd’hui ne sont pas faits pour mimer la foule qui acclame Jésus, ils sont le signe de ces végétaux qui ont passé l’hiver sans mourir, ils sont le signe de la vie plus forte que la mort. Et de même qu’ils sont déposés sur le sol afin d’aider à la progression de Jésus, ainsi pouvons-nous voir en eux le signe de tout ce que nous faisons pour faciliter la progression de Jésus en nous, dans notre Jérusalem intérieure, dans notre ville sainte, tout ce que nous avons déjà fait durant ce carême et tout ce que nous pouvons encore faire, pour l’inviter à faire de notre vie intérieure le temple de sa présence.

L’ayant invité à entrer en nous, les « hosanna » pourront alors s’élever et la vie arriver ! Et nous pourrons dire : « béni soit Celui qui vient en moi au nom du Seigneur, » Celui qui me sanctifie, qui me fait avancer vers ma sainteté et qui peut vaincre la mort en moi en faisant gagner la vie.

Bonne semaine sainte

Gilles Brocard


 

DIMANCHE 26 MARS 2023                                             5° dimanche de carême

 

Homélie de Vénuste

Viens dehors !

Ezéchiel 37, 12-14 : le prophète Ezéchiel connaît la situation du peuple à son époque. C’est une situation de morts. La grandiose vision des ossements desséchés, répond au désespoir du peuple exilé et à ses doutes sur la restauration d’Israël. Même si le peuple est réduit à l’état de squelette, Dieu saura le remettre debout. Quand tout paraît perdu, quand les forces de la mort paraissent avoir triomphé, Dieu est capable de créer un nouvel avenir de vie. La mort n’aura pas le dernier mot.

Romains 8, 8-11 : l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus habite le chrétien si bien que celui-ci ne peut pas être sous l’emprise de la chair (la chair = l’homme marqué par le péché et sous le joug de la mort). Par conséquent, si quelqu’un est sous l’emprise du péché, l’Esprit n’habite pas en lui. Mais victorieuse est la force de l’Esprit : l’Esprit est notre vie.

Jean 11, 1-45 : Lazare était dans le tombeau depuis 4 jours, il était bel et bien mort, mais Jésus lui rend la vie, signe qu’il est maître de la vie, source de la vie : « Tout homme qui vit et croit en moi, même s’il meurt, vivra ». Il ne faut pas confondre la « résurrection » de Lazare et celle de Jésus : celle-là n’est que signe de celle-ci, Lazare a besoin qu’on lui enlève les linges mortuaires et il devra mourir à nouveau ; pour Lazare, ce n’était qu’une réanimation.

Aujourd'hui, à travers le miracle de la réanimation (réveil) de Lazare, le Christ montre qu'il est vraiment le maître et la source de la vie ; il nous montre que nous traînons des odeurs de mort qu'il faudrait chasser, que nous devons rouler des pierres qui nous emprisonnent, que nous avons à nous libérer de ce qui nous ligote. Nous sommes au dernier dimanche avant la Passion, avant la célébration solennelle de la mort-résurrection de Jésus. Celui-ci fait un « signe » pour amortir le choc du vendredi saint chez les apôtres : il « ressuscite » son ami Lazare et prouve qu’il est la vie et la résurrection.

Ce « signe-miracle » ne doit pas nous faire oublier que c’est Jésus qui est au centre du récit, par le dialogue qu’il mène avec ses disciples d’abord, mais plus encore avec les 2 sœurs de Lazare qui font de merveilleuses professions de foi. Ces professions de foi – qui marquent un cheminement spirituel, une démarche de foi, comme dans le cas de la Samaritaine et de l’aveugle-né, viennent avant le miracle, ce qui fait le mérite de la foi de ces 2 femmes. Nous avons hélas tendance à admirer le miracle et perdre de vue complètement le cheminement de foi que font Marthe et Marie. Le récit de Lazare qui revient à la vie est un chef-d’œuvre de catéchèse de la foi. Car il s’agit bien de foi, c.à.d. de confiance (bien avant le « signe-miracle ») que Jésus est le maître de la vie et que donc avec lui, grâce à lui, la vie est encore possible malgré la mort, malgré les 4 jours que le mort a déjà passé dans la tombe, malgré la grosse pierre qui ferme son tombeau et les bandelettes qui entravent son corps. Il s’agit bien de foi, c.à.d. d‘accueillir l’identité déclarée de Jésus : « Je suis la voie, la résurrection et la vie ». Et cela en contraste avec l’inconscience des disciples, l’incrédulité de la foule et l’hostilité des adversaires de Jésus. Et c’est cette profession de foi qui fait comme débloquer la puissance qui sort Lazare de son tombeau, comme si la condition en était la foi des 2 sœurs, comme si Jésus puise sa puissance dans la foi de Marthe et de Marie. De la même façon qu’à d’autres occasions, Jésus dit « ta foi t’a sauvé ».

Une preuve que l’essentiel du récit n’est pas dans le miracle mais dans le dialogue qui fait progresser la foi, c'est que Lazare ne parle pas, comme si finalement il n’était qu’un prétexte. Ce sont les dialogues qui sont intéressants chez St Jean, avec leurs quiproquos. Le quiproquo est ici sur le sens de la résurrection : Jésus veut nous convaincre qu'il est la vie et la résurrection, pas seulement pour l'au-delà (« au dernier jour »), mais pour aujourd'hui. Il est maître de la vie (et de la mort), il est source de la vie. Il rend grâce de ce qu’on peut avoir la vie par la foi maintenant, grâce à lui. Voyons l’histoire.

Jésus avait une famille amie à Béthanie où il aimait passer quelques temps : chez Marthe et Marie et leur frère Lazare. Celui-ci tombe gravement malade, les sœurs le font savoir à Jésus qui ne s'empresse pas d'accourir au chevet de son ami malade. Lazare meurt, Jésus n'a aucune hâte à rejoindre Béthanie, au contraire, il parle de sommeil et dit que la maladie et la mort de Lazare, c'est pour la gloire de Dieu ! Il se réjouit même de n’avoir pas été là pour le guérir ! Ce qui n'est pas du tout l'avis des deux sœurs, car quand Jésus arrive, quatre jours après les funérailles (alors que Lazare pue déjà), l'une après l'autre, elles lui reprochent son absence et son peu d'empressement : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ». Jésus leur parle de résurrection, elles pensent à la résurrection au dernier jour, alors qu'il parle de l'aujourd'hui, de l’immédiat. Mais ce n'est pas que Jésus reste insensible, impassible, face à l'épreuve de la famille en deuil : il est troublé et il pleure, assez pour que la foule d'amis fassent la constatation : « Voyez comme il l’aimait ». Finalement, il fait sortir Lazare du tombeau, bien vivant. Peut-on parler de résurrection de Lazare dans le même sens que nous parlons de résurrection de Jésus ? Non ! car pour Lazare ce fut une espèce de réanimation, de réveil, de retour à la vie antérieure, on peut même parler d'un sursis puisque Lazare connaîtra une autre mort clinique. Remarquons que Lazare a besoin des autres pour lui rouler la pierre et lui enlever bandelettes et suaire, alors que quand Jésus ressuscite pour ne plus mourir, on trouve la grosse pierre déjà roulée, les bandelettes et le suaire bien rangés à leur place.

Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! C'est ce que nous disons toujours quand la mort frappe près de nous. S'il y avait un « bon » Dieu, la catastrophe ne serait pas arrivée ! Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu pour que ça n'arrive qu'à moi ! Jésus lui-même à la croix, dira : Seigneur, pourquoi m'as-tu abandonné ? C'est un cri de détresse qu'il faut lancer tant que ce n'est pas un blasphème, tant qu'on parle à Dieu, c'est qu'on a encore confiance en lui, comme Marthe qui disait à Jésus : « si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort », mais elle ajoutait : « Mais je sais que, maintenant encore, Dieu t'accordera tout ce que tu lui demanderas ». Qu'est-ce qu'il accordera ? Il ne supprimera pas la mort, il ne nous épargnera pas la souffrance, la maladie ni le deuil. Il va pleurer avec nous. Il nous précède. Mais il transfigurera cette épreuve pour sa gloire. Si la mort était « échec et mat », il serait un échec cuisant pour Dieu lui-même. Voilà pourquoi il se couvre de gloire en donnant la vie au moment où nous pensions que la mort a le dernier mot. C'est à Dieu la victoire. C'est en ce sens que St Irénée de Lyon disait une parole que j'aime répéter aux messes de funérailles : « La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant ». Quand Jésus parle de sa propre mort, il dit que son cœur est bouleversé, troublé, il a la tentation de demander que le Père le délivre de l'heure de la mort, mais il se reprend vite (comme dans le jardin de Gethsémani) pour dire qu'il est venu pour cette heure et que donc la prière à faire, c'est de demander : « Père, glorifie ton nom ». C'est dans le même sens qu'il dit que la maladie de Lazare « elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié ». Loin de moi de dire que Dieu a besoin de notre mort pour affirmer sa gloire ! Je dis que, même à cette occasion, il révèle sa gloire en redonnant la vie. Cessons donc de toujours chercher à faire de Dieu la cause de nos morts, puisqu'il est don (quelle idée d’imprimer sur les faire-part : il a plu au Seigneur de rappeler à lui l’âme de son fidèle serviteur…). Il ne cause pas la mort, mais il donne la vie au-delà de la mort, il délivre de la mort, hic et nunc, maintenant, aujourd'hui. La question essentielle n'est pas de sortir Lazare du tombeau, c'est plutôt de passer dès maintenant de la mort à la vie par une adhésion de foi en la personne de Jésus. La première lecture considère notre vie mortelle comme l'état de cadavre, pire, d'ossements desséchés, mais la foi en Dieu peut faire repousser de la chair sur ces ossements, redonner souffle de vie, remettre debout. La 2ème lecture affirme que vivre réellement, c'est être habité par l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts. Vivre en ressuscité déjà avant la mort car après la mort, ne serait-ce pas trop tard ?

Le chrétien voit dans le récit de Lazare, une référence explicite au baptême : nous sommes baptisés dans la mort-résurrection de Jésus, le baptême est une façon de mimer la mort-résurrection, à travers le rite de l'immersion, car on fait un séjour dans la tombe comme Jésus lui-même (et Lazare), mais pour revenir à la vie ; et puis il y a la profession (baptismale) que font les deux sœurs de Lazare. Le baptême nous a sortis de la vie mortelle pour nous donner la vie même de Dieu hic et nunc. Nous vivons donc la résurrection présente, puisque nous avons la vie de Jésus en nous. Le Christ a dit à notre adresse : « sors de ton tombeau, viens dehors... déliez-le et laissez-le aller ». Il nous a libérés des liens qui nous ligotent et qui signifient la mort : tout ce qui nous handicape et nous met dans l'impossibilité d'avancer dans nos relations avec Dieu et avec les autres, toutes ces chaînes qui nous bloquent quand il faut dire la vérité, rendre service, demander pardon ou accorder le pardon. Nous nous emmurons dans nos tombes quand nous nous faisons un blindage, une carapace qui nous « protège » de l'autre ; nous traînons des odeurs de mort quand nous ne voulons pas déraciner en nous toute jalousie, tout orgueil, tout égoïsme. Nous roulons une pierre sur notre tombe quand nous nous enfermons dans la tristesse, le découragement, la misère affective. Ce que nous appelons nos sécurités peuvent être des prisons intérieures. Un Lazare est enseveli en nous, ligoté par nos peurs ou alors nos préjugés.

Viens dehors, nous dit le Christ, reviens à la vie, sois libre de ces liens qui t'empêchent de vivre en toute plénitude dans la joie partagée, dans l'amour de tous. Là est la vraie vie, la résurrection présente. Nous sommes invités à sortir de nos enfermements et de nos a-priori, à croire et espérer que, grâce à l'amour de Dieu, aucune pierre, aussi lourde soit-elle, ne peut empêcher que dès maintenant la vie renaisse. Ne vivons pas en morts-vivants sous l’emprise de la chair, vivons en ressuscités sous l’emprise de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en nous, dit St Paul.

Amen

Vénuste

DIMANCHE 19 MARS 2023                                             4° dimanche de carême

 

Homélie de Vénuste

Un cheminement spirituel

Samuel 16, 1… 13 : l’onction de David. Samuel obéit à Yahvé pour oindre roi le petit dernier qui n’avait pas la prestance de ses aînés. C’est que Dieu choisit toujours ce qui est faible selon les hommes pour confondre les forts. Après tout, pour réussir la mission que Dieu confie à l’homme, il faut que l’Esprit du Seigneur « s’empare » de l’élu, ce qui arriva pour David, ce qui nous est arrivé le jour de notre baptême et de notre confirmation (nous l’oublions souvent).

Ephésiens 5, 8-14 : par le baptême, nous sommes devenus « fils de lumière », vivons donc en fils de lumière. Le chrétien doit couper court à toute activité des ténèbres (dont on a honte de parler). Il doit être lumière, bonté, justice et vérité.

Jean 9, 1-41 : la rencontre de Jésus avec l’aveugle-né, comme celle avec la Samaritaine, est un exemple de cheminement spirituel. Il parle de Jésus d’abord comme « l’homme qu’on appelle Jésus », puis comme un prophète, ensuite comme « quelqu’un qui vient de Dieu », puis comme « le Fils de l’Homme » et finalement il se prosterne devant lui parce que « Seigneur ». A l’opposé de l’aveugle qui recouvre la vue, nous voyons l’endurcissement, l’aveuglement qui s’aggrave chez ceux qui « savent ». Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. La lumière (Jésus) est venue, mais les hommes ont préféré les ténèbres.

Comme dans le récit de la Samaritaine, Jean nous montre, à travers l’aveugle-né, ce que doit être un cheminement spirituel. L’homme qui, au départ, ne savait pas, devient lumière, tandis que les ténèbres s’épaississent chez ceux qui « savent ». Jésus vient démasquer ceux qui se prennent pour des lumières. Exactement comme une lumière qui surprend des personnes tapies dans l’obscurité : quand le faisceau de lumière éclaire la scène, quand le flash du photographe crépite, chacun est figé dans la position qu’il avait, celui qui est correct est fier de l’être, celui qui n’est pas droit dans ses bottes, est démasqué. Rappelons que tout handicap était interprété comme la sanction d’un péché ; plus le handicap était grave, plus grave devait être le péché, même si le péché n’était pas personnel (d’où la question des disciples).

Le récit de l’aveugle-né est un de ceux qui montrent le génie de l’évangéliste Jean, passé maître dans l’art des contrastes. D’un côté, il nous décrit les pharisiens qui s’enfoncent dans l’aveuglement volontaire, dans le refus obstiné de l’évidence, dans la mauvaise foi : pensez donc qu’ils font pression sur cet aveugle qui ne l’est plus (et sur ses parents) pour qu’il mente et ne dise pas qu’il voit ; ce qui est fort, c’est qu’on met en doute jusqu’à son identité ! De l’autre côté, la foi de l’aveugle-né devient plus claire à mesure qu’il subit quatre interrogatoires de plus en plus musclés. Il parle de Jésus d’abord comme « l’homme qu’on appelle Jésus », puis comme un prophète, ensuite comme « quelqu’un qui vient de Dieu », puis comme « le Fils de l’Homme » et finalement il se prosterne devant lui parce que « Seigneur ». Cette profession de foi se définit sur fond d’interrogatoires. On peut même parler de procès de Jésus, par contumace, parce que Jésus est absent quand on interroge l’aveugle : on dirait qu’il joue à cache-cache avec ses adversaires, il aborde l’aveugle-né quand eux ne sont pas là, il disparaît quand ils arrivent et c’est l’aveugle qui affronte leur animosité. Une répétition générale du procès qui s’ouvrira le Vendredi Saint et finira par la crucifixion. On a décidé la mort de Jésus, on veut réunir les « preuves ». Entre-temps il est expulsé de la synagogue, excommunié, avec l’aveugle-né et ceux qui le suivent. Ce faisant, les accusateurs deviennent à leur tour accusés et se condamnent eux-mêmes à un aveuglement éternel.

L’aveugle sort de la cécité totale, il recouvre la vue, il voit clair, il devient le plus clair-voyant de la foule du jour à Jérusalem : lui seul sait voir et reconnaître Jésus Lumière. Remarquons que c’est Jésus qui prend l’initiative : il suffit qu’il passe pour remarquer qui a besoin de lui. L’aveugle n’a rien demandé à Jésus. A son honneur, soulignons qu’il a eu confiance en Jésus sans savoir qui il est : sans poser de questions, il s’est laissé toucher et est allé se laver à la piscine de Siloé sur la simple parole d’un inconnu, il en est revenu certainement en criant sa joie. On peut s’imaginer tout ce qui lui est passé par la tête pendant cet aller-retour : l’incrédulité qu’il puisse voir, le doute, la certitude de voir, voir et croire malgré le feu nourri des interrogatoires, la rencontre décisive avec Jésus, l’expulsion de la synagogue, l’audace de continuer à témoigner. Après lui avoir donné la lumière extérieure, Jésus revient le conduire à la lumière intérieure de la foi. Il devient croyant et même envoyé, témoin. Bref, du catéchuménat à la vie chrétienne engagée. Une vie exemplaire pour nous tous : cheminement spirituel, démarche de foi.

L’entourage ne tarde pas à savoir qu’il est guéri. Il y a d’abord les voisins qui sont poussés par une curiosité naturelle : n’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? Puis petit à petit, deux groupes s’opposent. Il y en a qui sont pour Jésus qui a opéré la guérison. Il y en a d’autres qui tout de suite manifestent leur colère jusqu’à nier l’évidence de la guérison. On peut comprendre ce qui a contribué à leur aveuglement. Pour eux, Jésus a « travaillé » un jour de sabbat : prendre de la boue et la pétrir avec sa salive pour l’appliquer sur les yeux de l’aveugle (geste créateur comme quand le Créateur a modelé l’homme à partir de la glaise), c’est un travail, c’est interdit le sabbat, mieux vaut que l’aveugle le reste mais que le sabbat soit respecté ! Celui qui travaille un jour de sabbat, c’est un pécheur, point à la ligne. Or Jésus, l’envoyé de Dieu (Siloé = l’Envoyé), est venu pour que les aveugles voient, que les sourds entendent, que les boiteux marchent… Tels sont les « signes messianiques » qui devaient accréditer le Messie. Jésus opère ces signes ; même le jour du sabbat, même et surtout le jour du sabbat, parce que jour de Dieu, jour où les bienfaits de Dieu se déversent à profusion sur l’humanité. On aura beau rétorquer à ses adversaires, comme le fait l’aveugle avec le plus grand bon sens (et ironie), que si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait pas avoir fait le miracle, rien à faire, du haut de leur suffisance et de leur savoir (combien de fois ne disent-ils pas qu’ils « savent »), ils s’obstinent à nier l’évidence qui crève les yeux. A court d’arguments, ils vont taper sur la table et couper court à toute discussion : ils vont jeter dehors l’aveugle et intimider les parents, « en effet, les Juifs s’étaient mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie ». Comme quoi l’aveuglement, c’est quand on croit savoir, car on ne veut plus rien savoir, on se bloque, on n’est plus réceptif. La racine du péché, n’est-elle pas cette autosuffisance qui se ferme au don de Dieu ? Il faut se méfier de tout fanatisme : un fanatisme religieux qui a son idée arrêtée sur Dieu, et un fanatisme athée qui rejette Dieu malgré les évidences ; des deux côtés, c’est l’aveuglement volontaire et obstiné.

Je suis la lumière du monde, dit Jésus ; mais le monde préfère les ténèbres. Certes le phénomène Jésus attire quelques curieux, avides de faits divers, mais sans recherche spirituelle plus poussée. Personne ne nie le fait que Jésus ait existé. On le reconnaît même presque universellement comme prophète, envoyé de Dieu. Beaucoup s'arrêtent là, alors que cela ne suffit pas. Le saut par lequel on devient chrétien au sens propre, c’est quand on proclame, comme l'aveugle de naissance, Jésus « Seigneur » et qu'on l'adore comme Dieu. La foi chrétienne, ce n'est pas croire à quelque chose (que Dieu existe, qu'il existe un au-delà...), mais croire en Quelqu'un et avoir avec lui une rencontre qui change la vie radicalement. Peut-être que nous aussi nous en restons à une connaissance vague et artificielle du christianisme, pas une vraie rencontre qui engage au témoignage (pas se compliquer la vie ?).

Le récit de l’aveugle-né nous invite donc à laisser le Seigneur toucher les yeux de notre cœur pour les ouvrir à sa lumière. Il est la lumière qui éclaire nos vies, nos consciences, nos chemins. Sa lumière nous est arrivée dans la révélation, nous l’avons accueillie par la foi, nous l’avons accueillie dans le baptême. L’Eglise appelle le baptême le sacrement de l’illumination : comme le dit St Paul dans la 2ème lecture, nous sommes enfants de lumière depuis le baptême (notre Siloé), nous devons nous comporter en enfants de lumière en refusant toute activité des ténèbres. Au baptême, le chrétien reçoit un cierge baptismal allumé au cierge pascal et le prêtre l’exhorte à « avancer dans la vie en enfant de lumière et à rester fidèle à la foi de son baptême ». Comme le montre le récit de l’aveugle-né, la foi grandit et on découvre Jésus de plus en plus à mesure qu’on se frotte aux autres. Notre foi et notre attachement au Christ grandissent quand nous avons le courage de prendre position et de nous démarquer des autres.

Est-ce que nous sommes vraiment enfants de lumière ? N’existe-t-il pas dans notre cœur, des coins que nous voulons soustraire à la lumière de Dieu, des angles ténébreux que nous ne voulons pas que Dieu voit de trop près ? Est-ce que le baptême nous a rendus lucides, clair-voyants ? Est-ce que nous ne sommes pas suffisants dans notre « savoir », à cheval sur nos principes rigides qui sont comme des œillères, de sorte que Jésus ne peut pas nous guérir de cet aveuglement ? Est-ce que notre lumière nous ne l’avons pas cachée sous le boisseau de sorte que, comme les parents de l’aveugle, nous nous dérobons aux questions, aux situations où notre identité de chrétiens serait révélée, que nous avons peur du regard de l’entourage, que nous avons peur d’être exclus de certaines conversations par exemple, de certaines amitiés… Reconnaissons que souvent, il fait nuit dans notre cœur, reconnaissons que le Christ est la seule lumière véritable, que lui seul nous libère de tout aveuglement, que lui seul nous permet de vivre en enfants de lumière. Sortons de nos caves et de nos tunnels, venons à la lumière.

Quelles sont les « passions » qui nous aveuglent : orgueil, jalousie, colère, amour… ? Quels sont les partis pris qui obnubilent notre conscience ? Quels sont nos prismes déformants que nous appliquons à la vérité ? Ne préférons-nous pas continuer à vivre dans la nuit de nos petites affaires… pour que Jésus ne nous remette pas en question. Notre cœur est fait pour la lumière. Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu. Ils verront, mais on ne voit bien qu'avec le cœur, disait le Petit Prince de Saint-Exupéry. A condition que le cœur ne soit pas endurci dans un aveuglement souvent volontaire (il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir). Crois-tu au Fils de l’Homme ? Ouvre mes yeux, Seigneur !

Amen

Vénuste

DIMANCHE 12 MARS 2023                                             3° dimanche de carême

 

Homélie de Vénuste

Besoin ou soif ?

Exode 17, 3-7 : la traversée du désert fut une grande épreuve pour le peuple hébreu. Devant chaque nouvelle difficulté, il était tenté par le découragement, le doute et même la révolte, il était tenté de douter de Dieu et de se détourner de lui, malgré le fait que Dieu déployait toujours sa puissance pour leur prouver sa providence, comme quand il fit jaillir l'eau du rocher pour étancher leur soif. L’homme a la mémoire courte !

Romains 5, 1...8 : Dieu a fait de nous des justes par la foi. Nous étions incapables de nous libérer du péché par nos propres moyens, Christ est mort pour les coupables que nous sommes. Il nous a justifiés = rendus justes, ajustés à Dieu.

Jean 4, 5-42 : la rencontre avec la Samaritaine est un exemple de cheminement spirituel. Elle parle de Jésus d'abord comme à un homme, puis comme à un prophète, ensuite comme au messie, puis comme au Christ et finalement comme au sauveur du monde. Elle qui avait peur du regard des autres, devient missionnaire dans son village. La rencontre avec le Christ est toujours une transformation, une récréation, une résurrection. Il vient étancher toutes nos soifs.

Les 3 dimanches qui nous séparent du dimanche des Rameaux, nous lisons trois épisodes que l’évangéliste Jean est le seul à raconter : ce sont des rencontres que Jean nous décrit avec une extraordinaire finesse doctrinale et psychologique. Jean fait moins de récits que les autres évangélistes, il en choisit peu et il en fait un riche support pour tout un enseignement doctrinal. Ces 3 récits ont des points communs : c’est Jésus qui prend l’initiative, le personnage devient un « type » de converti, son histoire devient une histoire sainte où s’exprime la foi au Christ, car chaque récit est ponctué ou se termine par une solennelle profession de foi (pour cette raison, la tradition veut qu’on lise ces récits lors des « scrutins », ces étapes de la préparation proche au baptême ; pour rappel, le temps fort du carême, c’était, à l’origine, pour préparer les baptêmes à célébrer à la veillée pascale) ; l’autre caractéristique, c’est la technique du malentendu, du quiproquo. Il s’agit aujourd’hui de la rencontre avec la samaritaine, dimanche prochain ce sera la rencontre avec l’aveugle-né et puis ce sera la résurrection de Lazare.

Jésus et la Samaritaine. C’est la rencontre qui n’aurait pas dû avoir lieu. Cette rencontre transgresse trois tabous : sexuel, racial et religieux. D’abord, dans la mentalité de l’époque, un homme ne parle pas, en tête à tête, à une femme qu’il ne connaît pas, surtout s’ils sont seuls : or Jésus parle ici à une femme qui, pour les gens, est une moins que rien, elle a eu cinq maris et elle en est à son sixième ; c’est une qui a peur du regard des autres, qui était certainement la risée de toute la ville, la preuve en est qu’elle ne va à la corvée d’eau que quand tout le monde fait sa sieste comme ça elle croit ne rencontrer personne. Ensuite, Jésus est juif, la femme est samaritaine : les Juifs et les Samaritains nourrissaient une telle haine tenace les uns envers les autres qu’ils ne pouvaient même pas se donner une goutte d’eau, ce qui explique la remarque railleuse de la Samaritaine. Troisième tabou : les Juifs tenaient les Samaritains pour un peuple hérétique, impur, infréquentable, intouchable ; ils ne pouvaient pas les approcher de peur de devenir impurs pour la prière. Le Seigneur Jésus passe au-dessus de tous ces tabous pour apporter le salut à la Samaritaine, aux gens de sa ville et à toute la Samarie : il est venu sauver tout ce qui était perdu. Jésus se soucie très peu des qu’en dira-t-on et parle longuement avec cette personne qu’il a résolu de sauver. Pour Jésus, il n’y a aucune barrière qui tienne quand il s’agit d’une âme à sauver, il n’y a personne qui serait éloigné de Dieu, tellement loin que la grâce ne puisse l’atteindre.

La scène qui se passe près d’un puits (dans la Bible, le puits est le lieu où se nouent des alliances : Isaac et Rebecca, Jacob et Rachel) est pleine de quiproquos, de malentendus que Jésus exploite pour passer de la soif d’eau à la soif de la vie éternelle, du culte ancien à l’adoration en esprit et en vérité, de la nourriture terrestre au désir de faire la volonté du Père, de celui qui demande à boire à celui qui est source de vie éternelle. C’est ainsi que nous voyons le cheminement spirituel que fait la Samaritaine : au départ, Jésus n’était qu’un homme, un Juif par-dessus le marché ; elle va reconnaître en lui (elle avec toute la ville de Sykar qui forme déjà comme qui dirait une « ecclésia ») quelqu’un de « plus grand que notre père Jacob » ; puis elle reconnaîtra en lui un prophète, ensuite le messie, ensuite le Christ et enfin le Sauveur du monde. Il est intéressant d’analyser autrement la progression de ce dialogue. Jésus et la samaritaine parlent d’abord de l’eau du puits et ensuite d’une eau qui étanche la soif d’absolu. Il faut saisir le symbolisme de l’eau : vie en abondance et amour plénier. Ce n’est donc pas du coq à l’âne que le 2° sujet est la vie conjugale : c’est le terrain où on recherche le bonheur le plus complet, la joie la plus profonde, qui n’est pas faite de plaisirs passagers et superficiels comme quand on change de partenaires. Au 3° stade de la rencontre, ils parlent de sanctuaires ; c’est la femme qui introduit le sujet, un peu pour dévier la conversation qui commençait à la coincer, un peu comme quand on trouve une échappatoire pour se dégager d’un examen de conscience (souvent on parle religion et on introduit des sujets controversés du genre « vous n’allez quand même pas me dire que vous êtes d’accord avec le Pape qui vient – encore - de parler contre le bon sens et l’opinion générale ») ! Vous aurez noté combien la samaritaine utilise l’ironie depuis le début de la rencontre. En parlant de sanctuaire, Jésus affirme que ce ne sont pas les temples et les hauts lieux qui importent : l’essentiel, c’est d’adorer le Père en esprit et vérité.

Et on peut voir comment, à la fin du dialogue, cette femme se retrouve transfigurée, tout à fait transformée, retournée. Elle n’est plus la femme qui rase les murs, qui se cache pour aller au puits, elle n’a plus peur qu’on sache qu’elle en est à son sixième partenaire en guise de mari… Elle qui attendait l’heure (extrêmement chaude) de la sieste pour sortir de chez elle et aller au soleil, la voilà qui va sortir les gens de leur sieste pour les ramener à Jésus. Elle aurait pu leur dire de façon neutre : venez voir le Messie ; non, elle ne rougit pas de dire : il m’a dit tout ce que j’ai fait ! Voilà la méthode Jésus : cette femme on l’aurait excommuniée comme pécheresse publique, objet de scandale devant l’Eternel, Jésus l’a retournée lors d’un dialogue direct mais respectueux, il en a fait une missionnaire auprès de ceux qui la méprisaient. Il a su toucher la blessure de cette femme, il a piqué là où elle est en manque, là où elle a soif. Jésus a deviné chez la Samaritaine ce que ne pouvaient pas apaiser ses amours passagers et volages. Il a deviné ses insatisfactions. Il l’a fait sans la froisser, la première fois peut-être que cette femme se sentait revêtue de dignité, aimée pour elle-même et pas pour assouvir l’insatisfaction des autres. Jésus la rencontre dans son échec mais pour y susciter une source de vie et de bonheur.

Pendant ce carême, prenons pour modèle cette femme dans le retournement qu’elle opère. Reconnaissons notre vraie soif et laissons derrière nous nos vieilles cruches, nos eaux troubles, nos bidons de consommation de tout genre. Il serait peut-être intéressant de faire la distinction entre besoin et soif. Nous avons de multiples besoins et nous arrivons à les combler en leur trouvant des moyens que nous pouvons d’ailleurs amasser : besoin de nourriture, besoin de vêtements, besoin de logement, besoin de loisirs, besoin de lecture… Mais il y a une grande indigence qui ne peut pas être comblée par des moyens matériels, des moyens quantifiables, des moyens qu’on peut acheter et amasser, et là nous parlons de soif : soif de paix, soif de liberté, soif d’amour, soif de bonheur, soif d’absolu, soif de vie éternelle… Les besoins, on arrive à les assouvir, la soif au contraire, il faut la creuser, il faut l’approfondir aux dimensions de l’absolu. C’est là d’ailleurs le drame de l’homme quand il prend la soif pour un besoin et pense traiter cette soif d’absolu comme il traite un besoin naturel. C’était le drame de la Samaritaine avant qu’elle ne rencontre le Seigneur : elle pensait multiplier les partenaires pour avoir le bonheur, pour avoir l’amour. Jésus vient nous révéler notre vraie soif. Qu’est-ce qui comble le cœur humain ? Notre cœur est trop grand pour se contenter de plaisirs passagers. Dieu seul est la source qui peut étancher notre soif pour l’éternité. St Augustin disait que notre cœur restera toujours inquiet, en manque, tant qu’il ne repose pas en Dieu. Nous sommes faits pour Dieu, programmés pour adorer. Quelques semaines plus tard, Jésus dira à Jérusalem, dans le Temple : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi. De son sein couleront des fleuves d’eau vive. » Et l’évangéliste ajoute : « Il désignait ainsi l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. » L’eau vive, le « don de Dieu », c’est l’Esprit, la vie même de Dieu que nous recevons pour la partager avec l’entourage.

La leçon d’aujourd’hui est de nous laisser approcher par Jésus, nous laisser transformer, transfigurer par sa rencontre. Le carême nous appelle à cette (« métanoia ») métamorphose qui ne peut se faire que si nous laissons la Parole de Dieu « fouiner » dans notre vie jusqu’à ces recoins de notre âme que nous défendons farouchement parce que, sans en être très fiers, nous n’arrivons pas à y renoncer, à décrocher, pensant à tort que c’est une des composantes qui font notre bonheur (« tromper la soif » !).

La leçon d’aujourd’hui, c’est aussi notre vie missionnaire. Le Christ que nous accueillons, c’est le Christ que nous apportons aux autres. Voulez-vous savoir si vraiment vous avez rencontré le Christ, la personne du Christ (pas une idée du Christ uniquement) ? La façon dont vous en parlez souvent peut être une indication : si vous en parlez, mais après avoir mis de l’ordre dans votre vie.

Est-ce que nos rencontres dominicales sont des heures de vérité ? Faisons-nous notre examen de conscience, ou sommes-nous de ceux qui, par la médisance, font l’examen de conscience des autres ? Est-ce que nous avons fait le passage d’une connaissance théorique à une rencontre personnelle et vitale où chacun peut reconnaître le don de Dieu comme source de vie ? Allons nous désaltérer, allons puiser abondamment et quotidiennement au vrai puits, celui des Ecritures Saintes, ou encore des sacrements : Jean qui parle de la samaritaine fut frappé par le fait que, sur la croix, du cœur de Jésus ouvert par la lance du soldat, jaillirent l’eau et le sang (baptême et eucharistie) pour la vie du monde (comme l’eau qui jaillit du rocher de Massa et Mériba selon la 1ère lecture).

Amen

Vénuste

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 

 

 
 
 

 

 

 

 
 
 
 

Date de dernière mise à jour : 05/06/2023